Gilles DUMAY, Michael SWANWICK, Philippe BOULIER, Alain SPRAUEL, Andrew WEINER, Michael RHEYSS, Jean-Jacques GIRARDOT, Marie-Pierre NAJMAN, Patrick ERIS, Emmanuel LEVILAIN-CLEMENT
LE BÉLIAL'
160pp - 10,52 €
Critique parue en mars 1999 dans Bifrost n° 12
Ce numéro spécial Michael Swanwick propose, comme les précédents numéros de la nouvelle formule, deux inédits, une étude et une bibliographie. Le choix de Swanwick, mal aimé en France car probablement mal connu, est pertinent dans la mesure où il donne envie de lire davantage de textes de cet auteur. « L'Homme qui rencontra Picasso » est un pur chef-d'œuvre du fantastique et une merveilleuse leçon sur l'émotion artistique ; « Le Bord du monde » est une autre réussite dans le domaine du fantastique, sur le thème troublant de la quête mystique menée par trois jeunes gens.
Alors que seuls deux textes complétaient la partie consacrée à l'invité du précédent numéro (Nordley, qui y présentait une novella), celui-ci en contient six autres, dont cinq d'auteurs français, débutants prometteurs ou en passe d'être confirmés. Pas de mauvaise surprise avec Andrew Weiner, dont le même éditeur nous avait déjà régalé avec un recueil (Envahisseurs !) ; « La Carte » contredit l'assertion que Van Vogt avait empruntée à Korzybski : la carte n'est pas le territoire. Quand un enquêteur découvre un noyé dans son salon et, à proximité, la carte d'un pays qui n'existe pas, il peut être amené à conclure qu'à défaut d'être le territoire, elle peut y mener, même s'il s'agit d'univers parallèles. Michael Rheyss, avec « Écrire l'humain », fait parler les livres et les met en scène ; Jean-Jacques Girardot, en évoquant « Simon & Lucie, une romance », démontre que même si l'on connaît la chimie de l'amour, celui-ci n'est pas encore réductible à une formule ; pas plus qu'il n'excuse, selon Marie-Pierre Najman, les plus altruistes comportements : par amour pour sa mère, le narrateur d' « Amour flou » aliène sa liberté tout en retirant son libre arbitre à sa mère ; plus noir et violent, Patrick Eris montre combien l'homme, victime d'une trop longue « Isolation » peut devenir barbare et cruel : il n'est pas certain, en cas de fin du monde, qu'il se jette dans les bras de son semblable, sinon pour le détruire. Avec « Quand les dieux mènent boire leurs chevaux » Emmanuel Levilain-Clément clôt l'anthologie comme elle avait commencé, sur une interrogation touchant à l'art. Le fait qu'une dessinatrice de BD en panne d'inspiration soit aidée à son insu par une machine interroge, l'air de rien, ce qui est en œuvre dans l'acte créateur et demande qu'on fasse la part du talent, de la conscience et de l'humanité dans l'élaboration d'une œuvre.
On le voit, le sommaire est copieux et de qualité. Le prochain risque de l'être tout autant avec un dossier consacré à Andrew Weiner, ce qui est une raison supplémentaire pour ne pas manquer celui-ci, où il est déjà présent.