Si Ted Chiang et Clive Barker collaboraient sur un scénario filmé par John Carpenter pour la série Supernatural, le résultat ressemblerait à ce roman.
La référence au cinéaste américain n’est pas fortuite. Escape from Hell !, titre original du livre, évoque clairement Escape from New York — en français New York 1997 (et pour les plus jeunes d’entre vous : non, il ne s’agit pas d’un film historique). Duncan pousse l’hommage jusqu’à reprendre la structure même du film : il s’agit bien de fuir un lieu clos, une vaste prison.
L’intrigue suit quatre personnes : un clochard, Eli (l’allusion au prophète biblique n’est pas innocente), une pute, Belle, un tueur à gages, Seven (merci David Fincher ; rappelons que ce film-là se basait sur les sept péchés capitaux) et un jeune gay, Matthew (forme anglaise du nom de l’Evangéliste qu’on appelle en français Matthieu). Morts de mort violente, ils ont abouti, par un même bac, en Enfer.
Pourquoi sont-ils là ? Pour un mécréant comme moi (et, j’imagine, Hal Duncan), seul Seven paraît justement condamné — Eli s’est suicidé après avoir perdu sa famille, son travail, bref, effectué sa propre descente aux enfers, Belle est une victime avant tout, et Matthew a pour seul tort d’aimer les garçons. Mais de fait, selon une lecture littérale de la Bible, ils méritent tous leur châtiment.
Et l’Enfer décrit n’a rien de commun avec la vision quasi-romantique que peuvent offrir des traitements aussi différents que la mythologie gréco-romaine, l’œuvre de Dante ou le Manuel des plans de ce bon vieux D&D. Non, le Monde souterrain croqué au fusain et au sang par l’écrivain écossais ressemble au nôtre, en un peu plus cruel, injuste et vulgaire. On y « soigne » Matthew. Eli découvre qu’il comprend des exclus. Belle s’y retrouve violée à répétition, et exploitée par un flic ripou. Et Seven… passons. Quant à l’équivalent halluciné de la téléréalité dans cet univers-là, il faut le voir (pardon, le lire) pour le croire.
Nos quatre protagonistes, qui révolté, qui pressé par le hasard, vont unir leurs forces pour s’échapper. Chemin faisant, ils dénicheront un allié de poids et découvriront l’identité du vrai maître des Enfers. J’avoue : j’en ai ri de plaisir.
Ludique et barré, mais ciselé et plus profond qu’il n’y parait, Evadés de l’enfer ! a la séduction canaille. Duncan lui prévoit deux suites. Prions (si j’ose dire) pour qu’il leur donne bientôt chair et encre.