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Les critiques de Bifrost

Éversion

Éversion

Alastair REYNOLDS
LE BÉLIAL'
320pp - 23,90 €

Bifrost n° 110

Critique parue en avril 2023 dans Bifrost n° 110

En Bifrosty, on aime confier à votre serviteur des missions difficiles. « Apo, merci de synthé­tiser 8 tomes sur 9 de “The Expanse” en moins de 4 500 signes et sans spoiler, bisou. » Malaisé, mais faisable. En revanche, chroni­quer Éversion sans divulgâcher tient de la quasi-impossibilité. Même en résumer les quelques premières dizaines de pages sans trop en dire est une gageure, car même en dire très peu, c’est déjà en dire trop. Essayons tout de même !

Au temps de la marine à voile, Silas Coade est le chirurgien du Déméter, un navire affrété par un commanditaire privé pour rechercher une faille dans les falaises de la côte norvé­gienne, faille qui mènerait à un lagon où se trouverait un mystérieux Édifice (avec une majuscule, comme dans Big Dumb Object), à l’indicible géométrie. Via un roman de ce que l’on pourrait appeler du Merveilleux Scientifique, qu’il rédige, Coade manifeste, à l’instar d’un autre membre de l’équipage, une surprenante connaissance de techniques en avance sur son temps. Rapi­dement, un incident se produit, qui devrait conduire l’intrigue dans une tout autre direction. Sauf que, si c’est bel et bien le cas, cela ne se produit pas du tout de la manière à laquelle peut s’attendre le lecteur. En définitive, l’histoire n’en devient que plus excitante par le fait qu’elle s’avère à la fois remar­quablement semblable à celle qui se déroulait avant cet acci­dent fatidique… et en même temps complètement différen­te ! Un procédé qui, d’ailleurs, va se répéter plusieurs fois au cours du roman, jusqu’à un deuxième point précis de l’intrigue.

Éversion ayant été écrit par Alastair Rey­nolds et pas par quelqu’un comme Walter Jon Williams, qui publie aussi bien de la littérature d’aventure navale que de la SF, on se doute qu’en réalité, ce roman relève du second genre… et pas qu’un peu. Il ne cher­che pas forcément l’originalité, reprenant plus des tropes bien connus qu’autre chose, mais ce qu’il fait, il le fait très bien, rendant hommage non seulement à quelques maîtres du registre science-fictif (sans doute, principalement, Arthur C. Clarke), mais aussi aux ro­mans centrés sur l’audacieuse exploration de terres et de mers inconnues, que ce soit à l’aide de bateaux, de dirigea­bles… ou d’autres véhicules. On louera tout particulièrement l’habileté de la construction du récit, le minutage d’une préci­sion suisse des révélations (dont certaines hautement inat­tendues), et la façon dont Rey­nolds se joue de nous en nous donnant presque d’emblée toutes les clés, sans que nous nous en rendions forcément compte. Une prouesse ! On saluera aussi une fin d’une facture étonnante, puisque ressemblant à l’ahurissant mélange des conclusions d’ouvrages phares de Dan Simmons et… Tolkien !

Sous ses faux airs de littérature navale, Éversion est un très grand livre de SF qui, après une série de romans et de novellas plus ou moins convaincants, prouve à nouveau, s’il en était besoin, que Reynolds est un des maîtres modernes du genre.

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