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Les critiques de Bifrost

Exil

Exil

Frédéric JACCAUD
GALLIMARD
320pp - 18,50 €

Bifrost n° 83

Critique parue en juillet 2016 dans Bifrost n° 83

L’action se déroule aux États-Unis. Un homme, dont on ne connaîtra jamais le nom, attend dans une limousine allemande. Chaque soir, il transporte des prostituées de luxe vers un rendez-vous qui change à chaque fois. Pour tuer le temps, il fume en lisant ce qu’on pourrait appeler de la littérature facile. Il n’est rien d’autre que cette attente et ce transport dont il ignore tout. Jusqu’au soir où la prostituée qui regagne le véhicule est blessée mortellement et lui remet avant d’agoniser une carte électronique qui, selon toute apparence, lui a coûté la vie. Une folle course-poursuite s’enclenche avec les hommes qui cherchent à récupérer cette carte. En tentant de gagner la frontière canadienne, l’homme finit par échouer dans un village perdu, Grey Lake, qui condense tout ce que l’Amérique peut avoir de plus attardé. Il y devient malgré lui l’adjoint d’un shérif vieillissant et se met à enquêter sur une série de meurtres atroces qui viennent d’avoir lieu. Ceux-ci ne se révèleront pas sans lien avec sa propre histoire, que le lecteur découvre peu à peu au fil de flashbacks de son enfance mais aussi de sa jeunesse, passée dans la Silicon Valley avec les pionniers de l’informatique…

Exil est le quatrième roman du Suisse Frédéric Jaccaud et le troisième à la « Série noire » après La Nuit et Hécate (2014). On y navigue entre une atmosphère de polar et un fantastique esquissé, rempli d’horreur et proche de l’absurde. Mais qu’on ne s’attende pas à trouver un réel dénouement : tout le ressort de l’intrigue repose sur l’identité d’un inconnu qui se révèle être la clé d’un code dont on comprendra à demi-mot seulement quel noir projet il permet de réaliser. Ce roman se fait l’écho de notre société moderne, contrôlée mystérieusement par des puissances obscures qui ne sont que les filles dénaturées des utopies hippies de la fin des années 60, mais aussi de celles des années 90 où l’on rêvait le hacker comme nouvel homme libre. Ce sont donc Allen Ginsberg, William Burroughs, Philip K. Dick, William Gibson et tant d’autres de cette trempe que F. Jaccaud convoque au fil de son texte pour nourrir son écriture.

Au final, nul sens général à dégager sinon pointer presque métaphysiquement vers un sujet qui, hélas, ne sait rien de lui-même, perdu dans un univers un peu convenu… Frustrant.

Arnaud LAIMÉ

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