Premier roman publié chez Denoël hors collection (curieux concept, d'ailleurs, est-ce à dire qu'aucune collection n'en veut ?), Expiration ne renouvelle rien, n'apporte rien, ne stimule rien, bref, pourrait n'être qu'un de ces romans ratés aussi vite publiés qu'oubliés si Anna Borrel se contentait de nous sortir une histoire aseptisée. Seulement voilà, Anna Borrel est journaliste et sait donc pertinemment que son lecteur ne lui accordera qu'un vague coup d'œil avant de passer à autre chose si elle ne fait pas tout pour le choper par le cou et lui replonger la tête dans son article. Même chose avec Expiration qui, malgré d'énormes défauts, donne envie d'en lire plus et d'attendre le petit deuxième de pied ferme.
Si le décor ressemble à une fête foraine aussi foireuse que peu crédible (Paris ceinturé de hauts murs assiégés par des hordes de pauvres régulièrement dégommés par des drones, pendant que les riches de la « Zone 1 » vivent dans la paix et le bonheur le plus total — merci au Jean-Pierre Andrevon du Travail du furet, publié en… 1983), quelques jolies trouvailles (?) renforcent l'ensemble. C'est le cas de la date d'expiration humaine, au-delà de laquelle, même riche, vous devez mourir pour permettre à la société de survivre (décidément, Anna Borrel a bien révisé son « Andrevon pour les nuls »). Le problème, c'est que certains ne s'y soumettent pas forcément, et qu'il devient donc nécessaire de les retrouver et de régler une bonne fois pour toute cette preuve flagrante d'incivisme. Au beau milieu de ce chaos, on suit le quotidien d'un petit flic né « hors-zone » et parachuté en Zone 1 en raison de ses excellents états de service. Pour un type né dans un champ de ruines, vivre en plein Paris est un rêve, un rêve qu'il ne compte pas laisser tomber. En proie aux vexations incessantes de ses collègues, Dessandres (c'est son nom) doit encore et toujours faire ses preuves. Et quand le corps d'un riche (et vieux) musicien à la retraite disparaît après sa date d'expiration, c'est tout le commissariat qui met le paquet pour le retrouver. Un échec serait catastrophique et remettrait en cause l'existence même d'une police d'état face aux milices privées beaucoup plus efficaces…
Hélas, en croyant résoudre un banal vol de cadavre, Dessandres met le doigt dans quelque chose de beaucoup plus gros…
Archi classique dans sa structure (limite pénible, d'ailleurs), dans ses personnages caricaturaux à l'extrême et dans le développement du complot (nécessairement plus important que prévu), Expiration souffre avant tout de son manque de crédibilité. En clair, on n'y croit pas une seconde. Une société aussi sinistrée ne peut tout simplement pas tenir plus de cinq minutes sans virer au carnage. Restent de bonnes idées et la peinture d'un néo-fascisme ordinaire dans un monde dévasté qui fait mouche si on décide une bonne fois pour toute de s'affranchir de son côté grand guignol.