Valerio EVANGELISTI
LA VOLTE
432pp - 20,00 €
Critique parue en janvier 2019 dans Bifrost n° 93
L’Évangile selon Eymerich, dixième volume de la série de Valerio Evangelisti, était supposé être le dernier. Mais l’auteur y est revenu, sept ans plus tard, avec ce roman ironiquement intitulé Eymerich ressuscité. Les habitués y renoueront avec tout ce qui constitue le sel de cette série – au point, à vrai dire, où cela fait tout de même quelques tomes qu’on est tenté de parler de « formule ». L’inquisiteur aragonais se retrouve à nouveau au cœur d’une étrange intrigue, un policier historique imprégné de thriller ésotérique que des ramifications contemporaines et futuristes éclairent (?) aux lumières de la science et (surtout) de la pseudoscience. Car, selon une mécanique éprouvée, si le cœur du roman met en scène Eymerich en son temps, des interludes réguliers plongent le lecteur dans un inquiétant futur proche, mais aussi un avenir plus lointain et insaisissable.
En 1374, essentiellement dans le sud de la France, Nicolas Eymerich n’est que trop heureux d’obtenir du pape d’enquêter sur un de ses compatriotes, le sulfureux Francesc Roma. On ne sait trop s’il est mort ou vivant, mais il paraît susciter par sa seule présence, dans les lieux où il se rend inopinément, des incendies que rien n’explique (sinon l’intervention démoniaque). Associé à son vieil ami, le père Jacinto, Eymerich arpente une région en proie à des troubles aussi bien politiques que religieux – le fanatisme d’un autre inquisiteur, le franciscain Borrel, qui voit des vaudois partout, ne lui facilitant pas la tâche. Or ce n’est pas un hasard si Roma parcourt ces lieux : une Église alternative, imprégnée des doctrines étranges de l’Orient, y pervertit sournoisement la notion même de résurrection… Et Eymerich, pour dénouer l’affaire, aura besoin d’alliés – aussi bien de cyniques seigneurs locaux, que ces cagots qui se lient à lui pour la raison presque navrante qu’il les méprise un peu moins que les autres.
Dans un futur proche, le savant hétérodoxe Marcus Frullifer, connu depuis le premier tome, est libéré de la RACHE par des scientifiques jésuites américains basés à l’observatoire Lucifer. Le vieux bouc un peu risible a des théories curieuses, qui fascinent et perturbent son très secret auditoire.
Enfin, dans un avenir plus lointain, un sage et ses disciples, sur la Lune, s’entretiennent de la vie et de la foi — livrant les fragments d’un véritable évangile…
Oui, la « formule Eymerich » est là – dans un onzième roman qui ne révolutionne absolument rien. D’ailleurs, les défauts de la série ne manquent pas à l’appel – notamment une tendance à user des archétypes de manière un peu trop caricaturale. Cela dit, dès l’instant ou l’on est prêt à tolérer une certaine dose de gloubi-boulga pseudo-scientifique, ce onzième volume est de ceux dont la structure temporelle complexe est pertinente, les trois époques se répondant véritablement. L’atout essentiel demeure le personnage d’Eymerich, un salaud que l’on ne peut qu’admirer pour sa science et sa ruse – au point où l’on tremble pour lui quand il tombe entre les mains de ses (nombreux) ennemis. Par ailleurs, au nombre des points positifs d’Eymerich ressuscité, on accordera une place particulière au thème rare des cagots, très bienvenu. Et tout cela se lit avec aisance, comme d’habitude.
En somme, un nouvel Eymerich – que les fans apprécieront comme tel. Ni plus, ni moins.