Jess Moulson se réveille un jour à l’hôpital, défigurée par les flammes, sans souvenir des récents événements. Elle apprend qu’elle a mis le feu à son appartement après s’être droguée avec le violent compagnon qui l’a initiée à l’héroïne, et qu’elle a ainsi indirectement tué le jeune Alex Bech, asphyxié à l’étage du dessus. Elle consolait et nourrissait l’enfant quand il se réfugiait dans les escaliers lors des disputes de ses parents dans l’appartement. Condamnée pour meurtre, sa peine et ses remords sont tels qu’elle choisit de se laisser mourir de faim.
C’est donc une mourante qu’on transfère à l’infirmerie de la prison de haute sécurité pour femmes, Fellside, où les meurtrières d’enfant sont particulièrement mal vues. Dans ses délires comateux, Jess converse avec un fantôme égaré et effrayé. Petite, Jess dialoguait déjà avec les anges d’un ailleurs nommé Autrepart, qu’elle assurait être réel, lubie soignée par une psychologue. Elle comprend à présent qu’elle communiquait avec les morts et que l’actuelle victime n’est autre que le jeune Alex qui la persuade qu’elle n’est pas sa meurtrière et qu’il a besoin qu’elle fasse la vérité sur sa mort. Jess opère alors une spectaculaire remontée vers la vie.
Sur la trame désormais classique de l’âme errante attendant qu’on lui rende justice, Mike Carey développe avec la minutie d’un orfèvre une passionnante intrigue en quatre volets de longueur inégale : les minutes de son procès, le récit du séjour à l’infirmerie, les affres de l’incarcération et le spectaculaire dénouement final.
Le système carcéral occupe la majeure partie : présentée comme une prison modèle accordant une relative autonomie aux détenues, Fellside est un une zone de non-droit et un concentré de violence absolue. Les rares personnes honnêtes sont sous la coupe des prisonnières ou des gardiens corrompus. À l’instar d’un Stephen King, Carey prend son temps pour camper ses personnages et révéler les aspects sombres de leur personnalité, au cours de quelques scènes marquantes particulièrement dures.
Le roman joue aussi la carte de l’intrigue judiciaire, où des révélations en apparence anodines trouvent leur conclusion au cours d’une séance de tribunal riche en coups de théâtre.
La relation entre Jess et l’enfant, qui commence à maîtriser l’entre-deux où il erre et se découvre des pouvoirs ayant un impact bien réel sur les détenues, constitue le versant fantastique qui réserve également son lot de surprises. La nature du fantôme, en particulier, constitue un retournement de situation particulièrement frappant.
Récit fantastique sombre, voire sordide dans certaines scènes, Fellside est aussi un roman psychologique qui interroge la lâcheté humaine : la dissimulation d’une faute vénielle, le refus de la prise de risque, la peur de représailles, apparaissent chaque fois comme les véritables causes des drames. À cela, le roman oppose une femme à l’intransigeante honnêteté, personnalité tragique qui refuse de reculer devant son destin.
Le final saisissant tranche aussi sur la production habituelle. M. R. Carey, dont le premier roman traduit, Celle qui a tous les dons, depuis adapté au cinéma, renouvelait avec originalité le thème du zombie, se révèle, dans les pas d’un Stephen King, au mieux de sa forme.