Fille de l’eau est l’histoire d’un rendez-vous manqué. Rendez-vous manqué avec la couverture, d’abord, complètement à côté de la plaque, et qui tente d’attirer le (jeune) chaland féminin avec une illustration digne des pires cauchemars bit’litogirly des éditions Milady. Avec le titre français, ensuite (auquel on préférera de beaucoup l’anglais, Memory of Water), partiellement hors sujet, lui aussi, et qui renvoie immanquablement à la bouse filmique de M. Night Shyamalan. Avec la traduction dudit roman, enfin. Car s’il m’est difficile de me référer au texte finnois (j’ai le finnois rouillé, voyez-vous), la surabondance de répétitions, d’imparfaits du subjonctif et de l’emploi du passé simple rebuteront le plus motivé des lecteurs de moins de, disons, 70 ans… un comble, au regard de la couverture !
Reste un premier roman qu’on imagine doté d’une belle langue sous les scories lourdingues. Une ambiance oppressante dans ce futur d’après les guerres de l’eau, dans ce nord de l’Europe privé d’hivers et sous influence chinoise totalitaire — l’environnement politique mondial, juste effleuré, n’en est que plus oppressant et suffit à mesurer l’ampleur de la catastrophe. Et un personnage principal, enfin, magnifique de justesse et de profondeur, dépositaire de la tradition zen séculaire antécatastrophe, pont entre deux univers condamné à la ruine. Un beau livre, sans doute, récit du désenchantement, mais pollué par son environnement éditorial français. Un rendez-vous manqué, vous dis-je. Qu’on ne peut que regretter.