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Les critiques de Bifrost

Critique parue en octobre 2014 dans Bifrost n° 76

Christophe Langlois s’était révélé avec un recueil paru en 2011 aux éditions de l’Arbre Vengeur, Boire la tasse, qui lui avait valu une réception critique unanime, et le Grand Prix de l’Imaginaire catégorie nouvelles francophones. Trois ans après, il revient avec un deuxième recueil, Finir en beauté, le titre étant une manière d’hommage à l’art de la nouvelle, dont la fin se doit d’être réussie pour que le texte prenne tout son sens. Sensiblement plus épais que son prédécesseur, Finir en beauté nous présente quinze nouvelles d’inspiration très variée, mais toujours liées par un style élégant, précis, que l’on sent extrêmement travaillé sans qu’il en devienne ampoulé. Autre point commun : une citation mise en exergue au début de chaque texte, sans doute inspiratrice de la nouvelle qui suit, et qu’il est conseillé de relire une fois celle-ci terminée pour savourer un peu plus.

Comme dans Boire la tasse, difficile ici de dégager des thématiques communes des textes rassemblées ici, tant les sujets traités sont hétérogènes : on y trouve pêle-mêle une apocalypse liée à la soudaine perte de valeur nutritive des aliments ; une bien curieuse collection de tableaux, pourtant somptueux, que tout acheteur potentiel renonce à acquérir après les avoir vus ; une statue d’Abraham Lincoln à qui il faut lire la Constitution américaine sous peine de dérapage de la situation ; un texte satirique sur les réseaux sociaux qui déconnectent de la vie réelle, au mépris de tout danger ; la vraie histoire des bustes que l’on trouve dans les musées et qui, jadis, vivaient ; un pays ayant érigé le sommeil en but ultime de l’existence ; ou encore le secret de l’inspiration d’Horace Walpole, auteur du Château d’Otrante. Les nouvelles explorent ainsi de nombreuses pistes fantastiques, parfois pour mieux révéler le monde qui nous entoure, parfois comme de simples rêveries, tragiques ou comiques, qui nous emmènent sur des chemins ignorés. Cette variété dans l’inspiration est un des bonheurs de ce recueil : il évite au lecteur de s’installer dans un rythme convenu et attendu. Christophe Langlois avoue d’ailleurs ne pas avoir cherché à construire son livre et invite les lecteurs à découvrir les différentes nouvelles dans l’ordre qu’ils souhaitent, sans nécessairement suivre celui du recueil, purement arbitraire. Procéder ainsi amplifie encore un peu le phénomène de pertes de repères : on ne sait jamais où l’auteur va nous emmener, constat intéressant, puisque ce sentiment d’incertitude est au cœur même de la démarche de l’œuvre fantastique, à laquelle l’auteur apporte ainsi ici la meilleure des réponses.

Brillants, émouvants, variés, drolatiques, fantastiques, indescriptibles : les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ces textes ciselés comme de vrais travaux d’orfèvrerie. Bref, Christophe Langlois, qui confirme ici le talent qu’on lui prêtait à la sortie de Boire la tasse, a su finir en beauté ses nouvelles, sans oublier que réussir la conclusion d’un texte n’a d’intérêt que si ce qui précède est du même tonneau.

Bruno PARA

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