Jonathan LETHEM
J'AI LU
320pp - 6,00 €
Critique parue en juillet 1996 dans Bifrost n° 2
« Je ne pense pas que le frère de Pansy ait tué Maynard. J'ai peur, dit-elle d'une voix langoureuse chargée de toutes sortes de promesses érotiques, J'ai besoin de votre protection. »
Bienvenue dans un futur idéal, où la drogue se prise n'importe où avec la bénédiction des autorités, où les animaux et les bébés ont bénéficié d'une thérapie évolutive leur mettant de se conduire comme des adultes et où chacun est contraint de porter carte magnétique comptabilisant votre taux de Karma, que les inspecteurs de police peuvent s'amuser à faire chuter en deçà de zéro, ce qui vous envoie illico au centre de conservation cryogénique le plus proche le temps de votre peine.
À part l'environnement curieux et parfaitement dystopique (l'Oubliol — la drogue pour oublier qui on est ou ce que l'on a dans la journée renvoie exactement au RubOut réservé au même usage imaginé par Brussolo dans son dernier opus fleuve Noir Anticipation), nous voilà donc dans le Grand Sommeil version Roger Rabbit, remixé 1984, avec au final un roman noir (je veux dire, policier), parfois violent tout à fait classique, mais dont l'intrique fait cette fois corps avec l'univers (autrement dit, Lethem sait se servir de l'Oubliol, quand Brussolo en fait âprement un usage tout à fait anecdotique), qui m'a modérément plu.