Nnedi OKORAFOR
ACTUSF
128pp - 19,00 €
Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104
Suite et fin des aventures de Binti, jeune fille himba partie étudier sur un monde lointain et de retour chez elle radicalement transformée. Il n’est sans doute pas inutile de relire le premier volume, en particulier sa dernière partie, « Binti : Retour », avant d’attaquer Binti : La Mascarade nocturne qui en constitue la suite directe, sans qu’Okorafor ne prenne la peine de resituer le contexte et les enjeux de manière très explicite. Après avoir découvert ses origines cachées et ses liens avec une race extraterrestre ayant autrefois fait escale sur Terre, Binti doit rejoindre de toute urgence son village, où sa famille et son poulpesque ami Okwu sont en danger de mort.
Comme les textes précédents, ce roman relève avant tout de la fantasy s’affichant sous les apparats de la science-fiction. L’autrice ne s’embarrasse jamais d’explications aux phénomènes qu’elle décrit. L’important n’est pas là. Il se trouve avant tout chez son héroïne, jeune femme qui, au fil des récits, a subi une succession de métamorphoses. Elle en connaît une dernière ici, tout aussi extrême, et qui vient compliquer davantage encore la quête d’identité qu’elle n’a cessé de poursuivre au fil de ses aventures. Là est tout l’intérêt du personnage, tiraillée sans cesse entre ce qu’elle était et celle(s) qu’elle est devenue, et tentant désespérément de concilier toutes les contradictions qui la composent. Pour le reste, Okorafor évite le côté sirupeux des débuts de la série — même si Binti ne peut s’empêcher de pleurer toutes les douze pages environ — et situe la majeure partie de son récit dans une Afrique où les coutumes ancestrales gardent davantage de poids que les progrès technologiques. À conseiller sans doute à un jeune lectorat plutôt qu’à de vieilles carnes littéraires comme votre serviteur.
En parallèle, ActuSF publie La Fille aux mains magiques, texte qui n’existait jusqu’à présent en France que sous forme de podcast, réalisé par le site Coliopod.com. Cette édition reprend la très bonne traduction réalisée par Cécile Duquenne pour l’occasion. Il s’agit ici d’une version illustrée par Zariel (qui a également signé les couvertures de Binti), choix d’autant plus pertinent que le dessin est au cœur de cette nouvelle. Fille unique d’une famille pauvre et peu aimante, Chidera voit sa vie changer lorsqu’elle fait une rencontre qu’on qualifiera de magique dans un coin de forêt. Elle se découvre alors un talent de dessinatrice qui va changer non seulement sa vie, mais également celle de ses proches, et au-delà.
Par sa narration et son propos, on qualifiera volontiers La Fille aux mains magiques de conte. Nnedi Okorafor porte un regard extrêmement bienveillant sur son héroïne et l’accompagne dans sa découverte de son don et la manière dont il transforme le regard que les autres portent sur elle. Sans mièvrerie, elle signe un texte touchant, élégant et drôle. Le résultat est d’autant plus réussi que les illustrations de Zariel qui accompagnent la nouvelle sont superbes, évoluant au fil du récit et de la maîtrise de nouvelles techniques par son héroïne. Au final, on obtient un objet de toute beauté, tant du point de vue graphique que littéraire.