Après douze volumes de rééditions publiés par les éditions Critic depuis dix ans, on pensait avoir fait le tour de l’œuvre de P.-J. Hérault, à quelques fonds de tiroir près. Un préjugé que la parution de Régression vient contredire de belle manière. Initialement sorti chez Rivière Blanche en 2004, ce roman met en scène une civilisation médiévale et raciste, où les Livides imposent leur domination aux Tannés. Seule exception : le comtat libre de Darik, où les deux ethnies vivent en harmonie. Mais lorsque le récit commence, la cité est tombée et ses élites ont été massacrées. Unique survivant de sa famille, Roderick fuit désespérément, sans grand espoir d’échapper à ses poursuivants. Jusqu’à ce qu’il fasse une découverte qui va bouleverser non seulement sa propre vie, mais celle de tous ses contemporains… Démarré comme un roman de fantasy, Régression prend très vite une tournure SF qui le rapproche, par ses enjeux et la situation de son héros, de « Cal de Ter », la première et plus célèbre série de P.-J. Hérault. Roderick se trouve soudain doté de connaissances et de pouvoirs qui vont lui permettre non seulement de se venger, mais surtout de transformer radicalement la société dans son ensemble. Le romancier évite que son récit ne soit trop caricatural et linéaire en faisant de lui un personnage qui doute en permanence, à la fois de ses objectifs, mais aussi de sa capacité à les mener à bien. L’ensemble, s’il n’est pas toujours exempt d’une certaine naïveté, se lit comme un très chouette roman d’aventure teinté de réflexions politiques et historiques qui font écho au reste de l’œuvre de l’auteur.
Dans le même temps, comme elles l’avaient fait il y a deux ans avec Naufragés de l’espace (critique in Bifrost n° 98), les éditions Critic proposent une anthologie de textes inspirés par les romans de P.-J. Hérault, et plus particulièrement consacrée à un thème au cœur de nombre de ses textes : la guerre et son absurdité. Ses récits sont racontés du point de vue d’individus contraints de se battre, mais ne sachant le plus souvent ni pourquoi (Noëmie Lemas, Arnauld Pontier), ni même contre qui (Florestan De Moor, Emmanuel Delporte), des individus qui se mettent à douter d’eux-mêmes (Floriane Soulas, Ketty Steward) ou qui voient ressurgir un passé de cauchemar dont ils espéraient être enfin débarrassés (émilie Querbalec, Marine Sivan). L’ensemble est plutôt réussi, quoiqu’un peu trop classique pour être vraiment enthousiasmant.