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Les critiques de Bifrost

Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14

Comme Benford avant lui, Bear se met en devoir de combler les trous de l'Histoire du futur d'Asimov. Nous sommes donc sur Trantor, sous le règne de l'empereur Klayus, mais la réalité du pouvoir fait l'objet d'une lutte acharnée entre deux conseillers de haut rang, Farad Sinter et Linge Chen. Et Hari Seldon, le vieux professeur (et ex-premier ministre) qui prédit la chute de l'Empire, est suffisamment agaçant pour qu'on lui ficèle un procès sur mesure pour haute trahison.

Pendant ce temps, tout le monde court après les mutants mentalistes : la petite-fille de Seldon, parce qu'elle veut les rassembler pour la Seconde Fondation, Farad Sinter, parce qu'il s'imagine pourchasser les Eternels, une légende à laquelle il a fini par croire, et les Eternels eux-mêmes — nos braves robots, vivant clandestinement au sein des humains — parce que ces mutants sont décidément aussi imprévisibles que potentiellement puissants. Mais n'oublions pas que les robots, dissimulés partout, sont eux aussi divisés en factions dont l'éparpillement évoque les hérésies de l'Empire byzantin…

Il y a un incontestable plaisir à se retrouver sur les territoires familiers (quoique, dans mon cas, non visités depuis longtemps) de la Fondation asimovienne, de l'Empire Galactique aux millions de mondes et à la population comptée en quintillions. L'ambiance est confortable, les enjeux sont connus. Tellement que bien des rebondissements qui pour les personnages sont des basculements douloureux (l'exil de la Fondation) ne sont pour nous que prémices du décor de Fondation, le livre classique d'Asimov.

Celui-ci avait hélas deux avantages littéraires de poids : il était original (n'y revenons pas) et il se constituait d'une suite de nouvelles, au sein de laquelle un nombre limité de protagonistes atteignait ses buts, ou du moins une sorte de résolution de l'intrigue.

Ici, l'action est saucissonnée en 92 chapitres offrant à chacun des (environ) dix protagonistes quelques pages d'action ou de point de vue personnel.

Total, aucun personnage ne se développe vraiment, même si j'ai un faible pour la mutante Klia Asgar (qui me rappelle la mathématicienne chicana de Eon). Le livre s'y perd, ou m'y perd. Bear a le mérite de moderniser un peu les rapports humains par rapport à Asimov, mais les interminables problèmes de conscience des robots (seuls personnages authentiquement religieux d'un univers tissé d'athéisme asimovien) m'ont paru bien filandreux. Bear a néanmoins eu ce mérite de se couler dans le moule Asimov, et de produire un roman éminemment lisible.

[À lire également : la critique de l'édition VO par Sophie Gozlan.]

Pascal J. THOMAS

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