Greg BEAR
PRESSES DE LA CITÉ
446pp - 18,29 €
Critique parue en octobre 1998 dans Bifrost n° 10
[Chronique de l'édition originale américaine parue chez Harper Prism en mars 1998]
Foundation and Chaos est le deuxième tome de la nouvelle trilogie des Fondations autorisée par les héritiers d'Isaac Asimov. Greg Bear continue à explorer les zones d'ombres laissées par le grand maître tout en intégrant les nouvelles données apportées par Benford. On retrouve avec plaisir les deux amants terribles introduits par Benford : Jeanne d'Arc et Voltaire qui, cette fois encore, se voient impliqués dans un débat théorique lié à l'existence de créatures mécaniques.
Mais là où Benford avait choisi de se concentrer sur la personnalité du psychohistorien Hari Seldon, Bear préfère s'attarder sur les robots. Un thème qu'Asimov a longuement exploré, naturellement, qu'il a balisé aussi (banalisé ?) par l'entremise des trois lois de la robotique auxquelles il a donné son nom :
1. — Un robot ne peut faire de mal à un humain ni permettre de par son inaction qu'un humain souffre.
2. — Un robot doit toujours obéir à un humain sauf si cela l'amène à enfreindre la première loi.
3. — Un robot doit préserver sa propre existence sauf si cela entre en contradiction avec les deux lois précédentes.
Découlant d'une interprétation libre de la première loi, Asimov a par la suite introduit la loi zéro qui ordonne aux robots de protéger toute l'espèce humaine quitte à enfreindre les trois lois originales.
Bear s'intéresse aux effets de cette loi zéro qui a divisé les robots en deux factions, l'une déterminée à continuer à servir les hommes dans la plus stricte acceptation des trois lois, et l'autre cherchant à créer pour ces mêmes hommes un monde libéré du moindre risque, quand bien même faudrait-il pour cela asservir l'humanité.
Le robot Daneel Olivaw est le champion de cette dernière cause. On le découvre ici sous un jour nouveau. Prêt à tout pour garantir aux hommes le bonheur obligatoire, on le dirait comme consumé par son obsession, en proie à une passion qui le rend presque humain. Alors qu'une grave crise menace de réduire à néant tous ses efforts, il tente en vain d'orchestrer dans l'ombre les agissements de ses deux acolytes qui semblent eux aussi agités de troubles très peu mécaniques
Par ailleurs le robot Lodovik Trema se retrouve libéré des trois lois, désormais à même d'user de libre arbitre. Il se prend bientôt à douter du bien-fondé de la loi zéro… Reste Dors Venabili qui, conçue pour veiller au bien-être du seul Hari Seldon, semble lui vouer un amour qui dépasse de loin sa programmation et lui fait oublier ses ordres…
En définitive, Bear ne cesse de se promener sur la fine frontière qui sépare humains et robots, dotant ces derniers de sentiments qui en font des personnages riches et complexes.
En accordant une place importante aux robots, Bear aborde l'univers de Fondation sous un jour nouveau tout en conservant l'esprit de la saga. Comme toujours avec Bear, Foundation and Chaos est inventif et de lecture agréable. Et la nouvelle trilogie de continuer comme elle avait commencé, pour notre plus grand plaisir…