Valerio EVANGELISTI, Silverio NOVELLI, Nicoletta VALLORANI, Franco RICCIARDIELLO, Daniele BROLLI, Giorgia MANTOVANI, Luca MASALI, Silvio SOSIO, Domenico GALLO, Andrea COLOMBO, Luigi PACHI
PAYOT
19,67 €
En 1998, Valerio Evangelisti, en collaboration avec Giuseppe Lippi, publie une anthologie, Tutti i denti del mostro sono perfetti [Toutes les dents du monstre sont parfaites]. C’est ce livre qui est à l’origine de Fragments d’un miroir brisé ; toutefois, comme la SF italienne n’était guère connue en France à l’époque de la parution de Fragments, c’est-à-dire en 1999, l’auteur bolonais a préféré, plutôt que de traduire le volume original, concocter une anthologie spécifique pour le public français, censée montrer toute la palette de la SF transalpine. Intention louable, mais qui ne permet pas de trouver de réelle cohérence entre les différents textes. Certes, des courants peuvent se déceler, comme l’indique Evangelisti dans sa courte préface – qu’on aurait aimée plus développée, tant la connaissance de la SF italienne est lacunaire de ce côté-ci des Alpes – mais, globalement, on ne pourra que savourer les textes un à un. Lesquels, c’est aussi le jeu de ce type de recueils, sont également disparates en termes de niveau et d’intérêt. On signalera donc en priorité le morceau de choix qu’est « La Baleine du ciel », novella de Luca Masali, uchronie arctique dans laquelle des soldats italiens sous Mussolini tentent de comprendre des phénomènes inexpliqués sur la banquise. Le texte final d’Evangelisti, « Kappa », est également très efficace, dans sa trame alternée au Japon et au Pérou, qui dénonce la mainmise japonaise sur le pays d’Amérique du Sud, y compris pour des raisons très sombres. Daniele Brolli nous propose dans « Tarentula » une rêverie poétique qui tourne à l’horreur, une horreur qu’Andrea Colombo aborde de façon plus anecdotique dans « Je le jure ». Luigi Pàchi traite du cyberpunk dans « La Musique du plaisir », avec son protagoniste qui s’immerge dans le virtual sound pour mieux récupérer de son quotidien glauque. Nicoletta Vallorani, dans « Choukra », narre la rencontre sensuelle de l’homme avec les habitants de cette planète, et de ce qu’il en advint, alors que dans « Le Dernier souvenir », de Georgia Mantovani, la narratrice tente de coupler Big Crunch avec extase sexuelle et énergie orgonique – un procédé que n’aurait pas renié le maître de cérémonie, qui convoqua Wilhelm Reich dans sa série « Eymerich ».
Sans proposer de réel chef-d’œuvre, Fragments d’un miroir brisé, anthologie inégale, se révèle néanmoins une bonne porte d’entrée pour appréhender la SF italienne. À l’époque de sa parution, celle-ci était largement méconnue du lectorat français ; même s’il y eut depuis quelques tentatives éparses, vingt-trois ans plus tard, le constat reste hélas identique.