Nicolas TEXIER
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
144pp - 22,00 €
Critique parue en avril 2023 dans Bifrost n° 110
Vendu comme un Maigret chez les fées, Fumée est un OLNI ou objet littéraire non identifié comme sait si bien en faire « La Bibliothèque dessinée » des Moutons électriques. Roman graphique – ou plutôt novella graphique – sans être réellement une bande dessinée, il propose une balade dans le Paris de la fin des années 50, encore meurtri par l’Occupation, la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Indochine, et où l’agitation des « Événements » d’Algérie provoque des remous jusque dans la pègre et le milieu interlope de la capitale. Nous y suivons un inspecteur de la Sûreté mis au placard, car traumatisé par son passé. Il doit enquêter sur la disparition d’une certaine Nicotine, fée de son état. Sa recherche et ses errances le mèneront à visiter différents endroits de Paris et de sa banlieue et le conduiront à affronter les démons de son passé. Dans les tons bleutés comme le précédent roman graphique de Melchior Ascaride (Eurydice déchaînée), Fumée constitue un bel objet, avec de pleines pages dessinées particulièrement évocatrices et une mise en page intéressante évoquant les méandres des ruelles ou les volutes de tabac. Sur le fond, l’enquête de l’inspecteur sans nom s’apparente davantage à une errance, et son comportement évoque davantage le commissaire Adamsberg de Fred Vargas que le commissaire Maigret de Georges Simenon. L’atmosphère des lieux et de l’époque est particulièrement bien restituée, au point d’avoir l’impression de voir un vieux téléfilm sur écran cathodique en lisant le texte. Mais l’intérêt de l’enquête en elle-même reste maigre, la façon dont les fées et autres créatures magiques se mêlent aux humains est à peine exploitée, tandis que l’inspecteur nous livre un trop-plein de pensées assez décousu. Finalement, la dernière page tournée, ne restent plus que quelques traces de fumées et une légère odeur de tabac en guise de souvenir.