Et de trois. Succès de librairie, cinéma, Takeshi Kovacs semble promis à un bel avenir. D'où l'idée de le réutiliser une troisième fois dans un de ces space opera survoltés dont Richard Morgan a le secret. Autant le savoir de suite, ce troisième volume est aussi le dernier. Tout commence sur Harlan (la planète natale du diplo), tout se termine sur Harlan. Une manière élégante d'en finir avec un personnage encombrant, mais somme toute intéressant et, avouons-le, réjouissant. Car si Richard Morgan ne fait pas exactement dans la dentelle, si ses romans relèvent purement et simplement de la série B la plus classique, il n'en reste pas moins que son style et ses techniques narratives sont remarquablement efficaces. Violence, vitesse, technologies débridées, la recette fonctionne bien, malgré un manque d'humour parfois pesant. C'est un peu la rançon du succès et il faut savoir ce que l'on veut. L'amateur de science-fiction intimiste passera (avec raison) son chemin, mais ceux et celles qui ont été déçu(e)s par la mauvaise trilogie de Mike Resnick Le Faiseur de veuves apprécieront les œuvres de Morgan, ce dernier réussissant à faire ce que l'épuisant Resnick projetait : une série somme toute délirante, extrêmement bien menée et essentiellement divertissante.
Furies déchaînées reprend exactement les mêmes ingrédients qui composaient les deux précédents volumes (Carbone modifié et Anges déchus). Du polar hard boiled, des éléments science-fictifs archi classiques (les corps « empruntés », le clonage, les flingues de l'espace) pour donner au final un impeccable scénario dont on attend là encore une adaptation cinématographique. Notons en passant que ce côté « calé pour le ciné » est parfois un peu agaçant, mais que le rythme échevelé de l'ensemble compense largement les lourdeurs bien présentes. Takeshi Kovacs est donc de retour sur Harlan, une fois de plus « réincarné » après quelques siècles (ce qui, avouons-le, l'agace). Postulat intéressant : Harlan est une planète océan dans la lignée de celle développée par Neal Asher dans L'Ecorcheur. Deuxième postulat intéressant : des stations martiennes en orbite annihilent tout objet technologiquement avancé qui dépasse l'altitude de 400 mètres. Troisième postulat intéressant : Takeshi Kovacs va devoir se battre contre… lui-même. Et ce, dans une course poursuite effrénée, les Premières Familles aux trousses et tout un tas de galères invraisemblables qui s'accumulent sur les pauvres épaules du (des ?) diplo. Bref, pour Takeshi Kovacs, c'est tous les jours lundi.
Si le lecteur ne s'ennuie pas une seconde, il n'en remarquera pas moins que Morgan tente de donner un semblant d'épaisseur à ses personnages, et notamment à celui de Kovacs. Ce face-à-face schizophrène entre un jeune et un vieux diplo pourtant identiques est une trouvaille intéressante, et les détails que livre l'auteur sur l'histoire personnelle de son héros sont suffisamment intelligents pour passer en douceur. Reste que Morgan n'est pas un fin psychologue, et qu'il serait vain d'y chercher une quelconque intelligence de propos. Furies déchaînées est un roman de série B remarquablement bien fait, mais ce n'est pas la peine d'aller chercher plus loin. Ça tombe à pic, on ne lui demandait rien d'autre.