Connexion

Les critiques de Bifrost

Critique parue en octobre 2016 dans Bifrost n° 84

Futurs insolites compte quatorze nouvelles de langue française. Si la Confédération Helvétique est au cœur de l’anthologie, tous les auteurs présents au sommaire ne sont pas suisses. Les textes sont encadrés par une préface – classique dans sa forme – dans laquelle les anthologistes Jean-François Thomas et Elena Avdija détaillent la genèse du projet et présentent l’ouvrage, et une postface de Marc Atallah, directeur de la Maison d’Ailleurs, qui tente de définir la science-fiction, exercice périlleux s’il en est. L’approche choisie, la narratologie, conduit l’auteur à produire un texte conceptuel, un peu hermétique, mais qui bat en brèche les notions de « littérature de l’Imaginaire » et « d’anticipation ».

Du côté des nouvelles, la contrainte de départ, extrapoler des futurs possibles à partir des particularités helvétiques, permet une grande diversité. Elles naviguent entre plusieurs genres, du space opera épique avec une Guerre des Gaules spatiale dans « Alleingang » de Nicolas Alucq, au fantastique absurde avec un barrage titanesque qui noie le canton du Valais de « Rhodanish Elektrik AG » d’Adrien Bürki, en passant par une SF plus contemporaine comme « La Mémoire de Lo » de François Rouiller, le plus long texte de l’anthologie, autour de l’homéopathie. S’il manque un fil conducteur, une thématique revient souvent : le suicide assisté, et son contraire, la lutte contre la mort. Le court et percutant « SuissID » de Vincent Gerber, qui met en scène une entreprise spécialisée dans le suicide à domicile, épingle les dérives d’un marché de l’euthanasie libéral. Tout aussi critique, « Exit », de Denis Roditi, mêle téléréalité et euthanasie avec une émission sponsorisée par l’industrie pharmaceutique et des candidats aux chances infimes de survie. Plus émouvant, « Issue de secours », de Florence Cochet, se centre sur un extraterrestre condamné par la maladie et qui rejoint, pour le grand sommeil, une station spatiale située en zone universelle neutre… baptisée Helvetica. À l’opposé, « Helvé… ciao » d’Emmanuelle Maïa se penche sur la recherche de l’immortalité grâce à l’industrie médicale. « Là où croît le pays » d’Anthony Vallat synthétise l’esprit suisse : la Suisse n’existe plus, mais les touristes d’Helvétika ont la possibilité d’oblitérer temporairement leur identité au profit de celles des indigènes. Dans la même veine, « Vreneli », de Julien Chatillon-Fauchez, met l’accent sur les particularités culturelles qui peuvent se transformer en montagnes infranchissables au cours de négociation ardues. Les amateurs d’Exodes de Jean-Marc Ligny seront comblés par « Mission divine », présenté par l’auteur comme un spin-off d’une scène prenant place dans la vallée des Grisons.

Les autres textes m’ont semblé s’éloigner de ce qui fait l’intérêt de Futurs insolites : donner à voir ce que « être suisse » signifie…

Karine GOBLED

Ça vient de paraître

Les Armées de ceux que j'aime

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 116
PayPlug