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Les critiques de Bifrost

Gambling nova

Gambling nova

Jennie DORNY
J'AI LU
382pp - 6,70 €

Bifrost n° 17

Critique parue en février 2000 dans Bifrost n° 17

Farren Megan et Jack Finch étaient tous deux capitaines des services secrets de la Fédération des Mondes habités. ils vivaient ensemble depuis des années, engagés dans un de ces ménages qui sont monnaie courante sur Earth Metropolis, ménages pouvant impliquer deux ou trois personnes de sexes arbitraires. Hélas, ils eurent le tort de découvrir une conspiration menée par leur patron, le Spylord Simpson, qui se vengea en envoyant Farren au dôme-pénitencier de Gambling Nova (sous prétexte de mission secrète, il doit partager la vie des bagnards), et en faisant condamner Jack pour le meurtre (simulé !) de Farren. Libéré sous caution, Jack n'a de cesse que d'aller retrouver Farren. Il sera aidé par Theo, une femme qui avait grandement profité de l'aide du capitaine Finch lors de sa dernière mission sur la planète Eridan, devenue depuis son amie…

À partir de là, les choses se compliquent par l'arrivée de tout un tas d'autres personnages et de digressions un peu gratuites ayant trait à la planète océanique Eridan et sa communauté télépathique, aux habitants de Redland (la planète où est située Gambling Nova), qui résistent aux sbires de l'administration pénitentiaire et possèdent un médicament miraculeux issu d'une plante endogène. Je passe sur les détails : un projet audacieux d'évasion est monté puis exécuté, et surtout, on arrive à la résolution du triangle amoureux bisexuel formé par Jack, Megan et Theo.

Ce roman porte au front l'influence de Melissa Scott, auteur américain qui s'est imposée en quelques années comme une sorte de star du space opera « gay ». Cela grâce à un sens de l'intrigue qui évite toujours la mièvrerie, et un réel talent pour les constructions sociales originales et profondément pensées, le tout joint à une bonne maîtrise des ingrédients plus techniques de la science-fiction (poursuites dans l'espace ou jeux cyberpunk). Malheureusement, Dorny est loin d'avoir le métier de Scott. Par exemple, c'est une technique parfaitement légitime que de plonger le lecteur dans l'action en ne lui donnant pas toutes les informations nécessaires à la compréhension, informations qu'on fournit plus tard. Dorny use et abuse de cette manière, jusqu'à l'écœurement ; on a souvent la furieuse impression que la fourniture tardive de l'information n'est pas toujours délibérée, mais parfois due à la nécessité d'expliquer à la va-vite des éléments dont on avait besoin sur le moment. Il en résulte une impression de grand fouillis, d'autant plus que l'auteur change constamment de point de vue et de ton, mêlant allégrement action, intrigue d'espionnage, recettes de cuisine ou encore roueries de la vie de bureau.

Sans parler de l'intrigue sentimentale qui est visiblement sa préoccupation principale, mais qui ne parvient pas à susciter le moindre soupçon d'intérêt. Peut-être faute d'une écriture plus maîtrisée : phrases courtes, peu rythmées, niveau de langage flottant… même si cela s'améliore beaucoup sur la dernière partie du livre. Enfin, et c'est bien le plus dommage : l'auteur n'utilise la S-F que comme un magasin d'accessoires, accessoires dont la logique interne n'est jamais prise en compte. On en arrive à des expressions dépourvues de sens comme « à des milliers de kilomètres de la planète » (p. 325, alors qu'on se trouve sur une autre planète !), ou à des clichés qui sentent bon la S-F d'un autre âge : attablé dans un restaurant « mercuro-italien », le protagoniste prend « les farfalle au shizuron, aux calde vertes et à l'aneth, ensuite une escalope de bag rataing… » . Ce serait désopilant si ce n'était pas si agaçant. Difficile, dans ces conditions, d'imaginer le public que ce livre pourrait toucher : sans doute pas celui des amateurs de S-F, quoi qu'il en soit.

Pascal J. THOMAS

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