[Critique commune à Au nom du père et Au nom du fils.]
Etrange concept éditorial que voici : un univers développé par deux auteurs, la planète Gigante, chacun de ces deux auteurs y plaçant son histoire, mais l’une destinée à un public adulte, signée par Pierre Bordage, l’autre, écrite par Alain Grousset, proposée dans la collection jeunesse des éditions l’Atalante (« Le Maedre »), et donc destinée à un lectorat plus adolescent. Etant entendu que les deux histoires sont liées, bien évidemment. Un compagnonnage étonnant, pour le moins, dont on se demande quel est l’enjeu. Réunir deux publics d’âge différents ? Mais auquel cas, pourquoi ne pas avoir fait une double exploitation de chacun des titres, à la fois en adulte et en jeunesse ?…
Gigante est une bizarrerie de l’espace. Pour Zaslo et Koeb, les destinées se croisent : le fils arrive avant le père, parti sans savoir que sa femme était enceinte. L’un veut tuer son géniteur tandis que l’autre rêve de grandeur et de découverte.
Pierre Bordage et Alain Grousset explorent donc Gigante, monde titanesque sur lequel deux parcours se confrontent. Pour ce planet opera, l’idée était de raconter l’histoire d’un père et de son fils selon un angle différent : l’histoire du père à l’auteur jeunesse ; celle du fils à l’adulte.
Hélas… Sans doute le cadre est-il trop vaste et les idées trop nombreuses pour les deux auteurs. Quelques lacunes sur l’environnement, des raccourcis plus pratiques que scénaristiques dans le récit d’Alain Grousset, un manque de profondeur de certains personnages (tant chez Bordage que chez Grousset)… autant d’éléments qui ternissent la lecture des deux volumes : on reste sur sa faim, des questions sans réponses plein la tête.
Pouvant se lire indépendamment et de façon interchangeable, « Gigante » se termine trop vite dans sa partie jeunesse, comme si Alain Grousset s’était retrouvé à court de temps ou de place pour finir. Si Au nom du fils manque de consistance et de caractérisation des personnages, l’univers en pâtit, et Au nom du père avec lui (la limite de l’exercice d’imbrication, en somme).
Malgré une idée intéressante et un ensemble non dénué d’intérêt, on demeure perplexe. Devant la qualité des livres, d’abord (surtout Au nom du fils, dispensable), mais aussi devant ce projet de véritables récits transversaux se répondant et s’explorant mutuellement. Un univers vaste, trop vaste sans doute, pour ces deux seuls volumes.