Robert SILVERBERG, Alvaro ZINOS-AMARO
ACTUSF
264pp - 18,00 €
Critique parue en janvier 2016 dans Bifrost n° 81
Dans un futur extrêmement lointain, plus précisément, dans la 777e année du 888e cycle de la 1111e circonvolution du Neuvième Mandala, l’humanité, ayant essaimé partout dans l’univers en adoptant diverses formes exotiques, connaît une relative immortalité par le biais de régénérations répétées mais non illimitées. La faute en incombe aux toxines solaires qu’irradie chaque étoile. Sauf celle de la Terre, unique planète où l’immortalité est effective. Mais des instruments de mesure des constantes de l’univers détectent un décalage vers le bleu qui va s’intensifiant, résultante d’un trou noir géant provoquant un effondrement de la galaxie et, à terme, de l’univers entier. Hanosz Prime de Prime, jeune monarque dans le système du Parasol de la galaxie d’Andromède, apprenant cette particularité, éprouve un sentiment qu’on nomme Schadenfreude, la joie devant le malheur d’autrui. Curieux de constater sur place l’effet que peut provoquer la perspective d’une disparition sur une population jusqu’à présent assurée de son immortalité, il abdique au profit de son frère et se rend sur Terre, auprès du seigneur Sinon Kreidge et de sa fille Kaivilda, dont on loue à raison la grâce et la beauté puisqu’il s’en éprend aussitôt. Des Oracles prétendent par ailleurs qu’un lointain monarque viendrait un jour sauver l’humanité de sa disparition annoncée…
Ce récit a le tour et l’allure d’une fable aux dimensions cosmiques. Dans sa préface, Silverberg explique que ce texte est le seul de sa carrière qu’il a laissé inachevé dans un tiroir, ne parvenant pas à se dépêtrer de ce qui était à l’origine un ambitieux projet sur la fin de l’univers. Lorsque Mike Resnick lui proposa de participer à une série de deux novellas réunissant un auteur connu et un inconnu, il proposa à un étudiant en physique, devenu enseignant, par ailleurs admirateur de son œuvre et avec qui il avait établi des liens d’amitié, d’écrire une suite au texte partiellement révisé pour la circonstance. Le résultat s’avéra à la hauteur des attentes, de celles du « maître » en tout cas, Alvaro Zino-Amaro n’ayant pas seulement trouvé des solutions élégantes aux questions laissées sans réponse, mais s’étant parfaitement moulé dans le style « postmoderne » que Silverberg avait adopté pour l’occasion. Il ne s’agit toutefois pas d’un grand texte, peut-être parce que l’intensité dramatique n’est pas proportionnelle à une catastrophe de cette envergure – la faute, sans doute, à un nombre limité de protagonistes, mais aussi au mode de narration adopté.
Au final, le résultat doit davantage à Zino-Amaro, qui a malgré tout su mener à son terme un récit délicat à équilibrer, la difficulté résidant dans l’ampleur de la menace cosmique et la pauvreté des moyens de Hanosz Prime pour la contrer, lui qui est totalement ignorant des sciences et par ailleurs bien embarrassé par ce statut de Sauveur peut-être hâtivement attribué. Quant à l’Oracle Silverberg, il avait prédit que Zino-Amaro serait le sauveur de ce récit, malgré son statut de scientifique plutôt que de littéraire… Serait-ce pour lui le début d’une nouvelle carrière ?