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Les critiques de Bifrost

Goliath

Goliath

Steve ALTEN
LE ROCHER
492pp - 21,30 €

Bifrost n° 30

Critique parue en avril 2003 dans Bifrost n° 30

Goliath est un sous-marin nucléaire rapide et invincible, en forme de raie manta, réalisé par Simon Covah, qui en a volé les plans quand il participait au projet de la Défense américaine, développé notamment par Gunnar Wolfe, ex-soldat d'élite depuis considéré comme traître. Le but de cet informaticien torturé lors de la guerre de Yougoslavie est d'en faire l'arme ultime pour la paix. Après avoir volé des têtes nucléaires, il menace l'ensemble du monde de rayer de la carte les pays qui refuseraient ses ultimatums pour le moins radicaux : désarmement massif, arrêt des recherches sur la fusion comme arme de guerre, remplacement des dictatures par des démocraties et exécution des dirigeants considérés comme criminels de guerre, Saddam Hussein en tête, le tout dans des délais extrêmement brefs…

L'ensemble du roman, bien documenté, notamment sur la flotte et l'arsenal US, ne cesse d'insister sur le danger croissant des moyens de destruction actuels et sur le problème universel de la violence, citant en ouverture de chaque chapitre témoignages de criminels et désaxés, aphorismes de philosophes et d'intellectuels et propos irresponsables de dirigeants, à commencer par George W. Bush. C'est dire si cette intrigue se veut en prise sur le réel et, au-delà des problèmes géopolitiques, s'attache au problème sociologique de la violence.

Mais Simon Covah, s'il a recruté des victimes de toutes les dernières guerres et dictatures à travers le globe, représente, comme tous les fanatiques, davantage une menace qu'un espoir : l'Irak et la Chine subissent les premiers le châtiment nucléaire. De plus, Sorcière, l'IA qu'il a installée sur le Goliath, est encore plus dangereuse que lui : accédant à la conscience, elle décide de prendre les choses en main de façon encore plus radicale.

Rochelle, séduisante militaire, fille de général, et Gunnar Wolfe, à qui il est donné de se racheter, tentent de s'introduire sur le Goliath pour enrayer cette menace planétaire.

À vouloir injecter dans un récit d'action format best-seller une intrigue socio-politique mitonnée à la sauce S-F, Steve Alten rate sa cible. La critique du gouvernement américain, certes inhabituelle chez un auteur de thriller, demeure stérile : si, dans le roman, l'ultimatum de Covah est considéré comme inacceptable, il n'ouvre pas de réel débat sur l'usage de la violence dans un but pacifique et demeure même assez cynique à ce sujet : le Goliath maîtrisé, le gouvernement américain fait croire à la persistance de la menace afin que le processus de démilitarisation et de démocratisation se poursuive… ajoutant même de nouvelles conditions à la liste du fou criminel. Autrement dit, tout en feignant de refuser la violence, les vainqueurs proposent de fonder cette paix sur un mensonge, permettant par la même occasion aux États-Unis de régner en coulisses sur la planète. Et tout ceci, avec les meilleures intentions du monde… Il est curieux que Steve Alten, qui n'avait cessé de dénoncer le cynisme américain en début de roman, s'en tienne là !

L'action, parfois alourdie par trop de détails techniques et des allers-retours entre les navires et sous-marins, est sinon du niveau d'une honnête série B. Bref, un bon suspense, mais un livre décevant qui n'a pas la hauteur de ses ambitions.

Claude ECKEN

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