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Les critiques de Bifrost

Guerre aux invisibles

Eric Frank RUSSELL
DENOËL
226pp - 5,10 €

Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14

Au cours de l'enquête de routine qu'il mène sur le suicide du professeur Mayo, l'inspecteur Bill Graham découvre que plusieurs autres savants renommés, aussi bien étrangers qu'américains, se sont donné la mort ou sont décédés d'une crise cardiaque en l'espace de quelques jours. Peu à peu, alors que cette étrange épidémie continue de décimer la communauté scientifique, un certain nombre de constantes se dessinent : les personnes concernées s'étaient badigeonné un bras à la teinture d'iode, et poursuivaient, de près ou de loin, des recherches en rapport avec l'optique.

Et quel est ce sentiment d'être observé qui s'empare de Graham sitôt qu'il croit approcher la solution ?

Ce roman, le premier d'Eric Frank Russell, est paru en 1939 dans le numéro 1 du célèbre magazine Unknown (le pendant fantastique d'Astounding, dirigé lui aussi par John W. Campbell) avant d'être édité en volume après la guerre, dans une version remise à jour. Il s'agit d'une œuvre de SF, inscrite dans un avenir plausible (en tout cas pour l'époque). La solution de l'énigme est vite connue (les Vitons, des êtres d'énergie, élèvent l'humanité comme un troupeau et se repaissent de ses émotions), mais l'intérêt, pour moi, en est ailleurs — dans l'inquiétude, la paranoïa, qui sous-tendent l'intrigue et les réactions des personnages. Philip K. Dick était un fan d'Unknown : ce roman a sans doute figuré parmi ses lectures de jeunesse et l'a peut-être même influencé.

Passons sur les faiblesses occasionnelles du texte français qui aurait mérité un bon petit coup de peigne, et sur l'aspect caricatural des relations entre les sexes, bien qu'Eva Curtis, dont Bill Graham est amoureux, exerce un métier et soit présentée sous une lueur plus positive que les écervelées promptes à se pâmer dont la science-fiction de l'époque était encore friande. Passons aussi sur le dernier tiers du roman, moins palpitant, lorsque, la vérité enfin connue, la résistance s'organise sous les auspices de ces bons vieux USA. Je retiens par contre le mélange des genres, une des constantes d'Unknown, entre thriller, horreur et SF. Eric Ambler n'est pas loin, non plus que Lovecraft et Heinlein.

Un livre à (re)découvrir avec l'indulgence due à son âge.

Pierre-Paul DURASTANTI

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