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Les critiques de Bifrost

Hard Reboot

Antony PASCHOS
HIKAYA
18,90 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

De la science-fiction grecque !? Bien que traduite d’après la version anglaise, considérée par l’auteur comme plus aboutie — aussi étrange que cela puisse sembler. A-t-on seulement jamais connu en France de roman de SF issu de la péninsule hellénique ? C’est en tout cas à un tout nouvel éditeur, Hikaya, que nous devons cet arrivage, une jeune maison qui semble vouloir se spécialiser dans des imaginaires venus d’ailleurs, et dont c’est là l’une des deux premières productions — l’autre étant Paradis Synthétique, du Jordanien Fadi Zaghmout. Maison qui, ultime précision, ne semble pas ou peu diffusée au-delà d’Amazon, en tout cas à l’heure de la rédaction de ces lignes… 

Tout grec qu’il soit, l’intrigue du présent roman est de facture on ne peut plus classique. Un vaisseau colonisateur terrien aborde un monde où vivent des chasseurs très vaguement humanoïdes dans les premières descriptions, puis bien davantage par la suite… Planète également peuplée d’abominables vers télépathes géants tenant de la scolopendre ; leur confrontation avec les nouveaux venus, un affrontement apocalyptique à grand renfort de tripaille et de quantité de fluides corporels, mettra l’estomac du lecteur à rude épreuve.

Un canevas un brin éculé, donc, mais sous-tendu par un background pour sa part bien plus moderne. Car cette colonisation est le fait d’une post-humanité avancée, la Polys, une gestalt composée de milliers d’individus regroupés en une unique entité monadique (ce n’est pas si fréquent) qui n’est pas sans rappeler le roman Black Out d’Andreas Eschbach, grâce au « corail », manière d’apothéose socialiste : plus de guerre, plus d’inégalité, une seule pensée… Cette entité n’en constitue pas moins le « méchant » du roman. Jésus, le personnage principal, est un clobot — un clone robot : être de chair, mais animé par un programme que l’on dirait tout droit sorti des trois lois de la robotique asimovienne l’obligeant à aimer les humains qu’il déteste pourtant. Passager clandestin par la grâce de son amoureux (Jésus est gay), il se voit contraint de faire contre mauvaise fortune bon cœur en servant la Polys qui escompte bien trouver sur ce monde des êtres qu’elle puisse intégrer. Le principal souci de Jésus est de pouvoir accéder à son reboot hebdomadaire — d’où le titre —, nécessité sans laquelle il risque une manière de folie dysfonctionnelle.

Le plus gros défaut du roman tient dans le très faible lien entretenu par la sexualité de Jésus — qui semble capitale aux yeux de l’auteur — et son intrigue, cette première n’ayant d’autre utilité que d’introduire le personnage comme passager clandestin. Pour le reste Hard Reboot, dense, souvent glauque et écœurant, hyper techno, ne manque pas d’intérêt. À commencer par l’aspect monadique de la gestalt, une option scénaristique rarement explorée, et ici très réussie. Au final, Antony Paschos renouvelle de belle façon le vieux thème de la colonisation extra-planétaire dans une optique résolument contemporaine.

 

 

Jean-Pierre LION

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