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Les critiques de Bifrost

Le Chevalier

Le Chevalier

Pierre PEVEL
BRAGELONNE
504pp - 25,00 €

Bifrost n° 72

Critique parue en octobre 2013 dans Bifrost n° 72

Alors qu’il s’était amusé à faire fleurir les graines de son imagination dans le terreau de l’Histoire, nous peignant de longues fresques uchroniques où les nécromanciens côtoyaient les guerres de religions du XIVe siècle (la trilogie de « Wielstadt » - Pocket), où les dragons comploteurs se cachaient derrière les rideaux du siècle de Richelieu (« Les Lames du Cardinal » - Folio « SF »), Pierre Pevel se lance avec « Haut-Royaume » dans une nouvelle aventure, de la fantasy pure, avec pour personnage principal un certain Lorn Askariàn…

Bel objet de plus de cinq cents pages, couverture cartonnée, parution attendue et appuyée par une com’ solide de la part de la maison Bragelonne : tout portait à croire que le Pevel cru 2013 serait un grand millésime. Las, le livre déçoit, même si sa lecture n’est pas totalement dénuée de plaisir.

Plusieurs raisons à cela.

Premièrement, l’intrigue : histoire de vengeance et de revanche au début, histoire de royaume et de bataille à la fin, avec une transition pas des plus heureuses. Alors qu’on s’attendait à ce que justice soit faite, le cours de l’histoire dévie, ralentit la machine, qui ne s’enclenchera véritablement que durant les cent dernières pages… C’est un peu long. La suite se fait donc attendre, surtout que, comme il se doit, ce premier tome se clôt sur un cliffhanger au couperet.

L’univers, quant à lui, tout nouveau pour l’écrivain, n’a rien de vraiment original pour un lecteur de fantasy. Rien de neuf à l’horizon, capitaine ! La topographie du monde et les nominations des personnages reprennent les étymologies des autres univers de fantasy, de Tolkien à Gemmell. Les tautologies pourront agacer certains. La « Mer des Brumes » est remplie de brumes, la force de « L’Obscure » rend obscur — force qui rappelle d’ailleurs beaucoup celle des Seigneurs Siths… —, et les Dragons, présents ici en tant que dieux, paraissent pour le moins manichéens (le Dragon Blanc = le Bien ; le Dragon Noir = le Mal). Une impression de déjà-vu flotte donc sur ce roman…

En ce qui concerne les personnages, ils semblent tous pris par la dépression, souffrant d’une certaine platitude et d’un manque de panache. Cela est sûrement dû au personnage pevellien, un être posé par nature, discret et noble — rappelez-vous Kantz dans la trilogie de « Wielstadt ». Il manque un personnage piment dans ce roman, un explosif, un boute-en-train, bien que Lorn et son ambigüité soient sujets à des retournements moraux intéressants.

Les quelques sources de plaisir que ce livre procure se trouvent dans le savant mélange des intrigues et des complots, et la présence de quelques non-dits intriguant. Des braises épiques s’allument parfois le long d’une phrase, mais elles brillent le temps du paragraphe et s’éteignent rapidement.

Le Chevalier est un livre sombre, ex-sangue, d’une fantasy qui sent le renfermé. Il reste néanmoins un bon divertissement, ce qui n’est déjà pas si mal.

Antoine DELAHAYE

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