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Les critiques de Bifrost

Critique parue en avril 2013 dans Bifrost n° 70

Le terme « Demi-Monde » répond à plusieurs acceptations. En 2018, c’est moins cette sous-classe de la société composé de personnes à la moralité douteuse qu’une simulation informatique, conçue par le gouvernement américain pour entraîner ses soldats à des situations de guerre asymétrique (entendre : guérilla urbaine). Propulsé par l’ordinateur quantique ABBA (ça ne s’invente pas), le Demi-Monde est, par sa conception même, un enfer. Imaginez : un environnement urbain volontairement surpeuplé, divisé en cinq quartiers aux différentes ethnies (les Essaims sont à dominante germanique et anglo-saxonne ; le Rodina est à majorité slave ; Français et Italiens peuplent le Midi ; si le Coven est asiatique et lesbien, Noirville est africain et homosexuel ; sans omettre une minorité omniprésente : les nuJus). Pour pimenter le tout, les virtuels habitants du Demi-Monde, nommés Dupes (comme duplicata), doivent régulièrement s’abreuver de sang, disponible aux Banques de sang. Et parmi les Dupes se trouvent des « singularités » : des gens aussi charmants qu’Aleister Crowley, Reinhardt Heydrich, Robespierre, Staline, Henri VIII… Une joyeuse bande de psychopathes assoiffés de pouvoir. Pas étonnant que ce Demi-Monde prenne très vite son indépendance vis-à-vis du monde réel et retienne en otages les soldats venus s’y entraîner. Ainsi que Norma Williams, la fille du président des USA. Qu’est-ce que cette greluche à tendance gothique est venue faire dans cette galère ? Personne ne le sait. Mais il faut la délivrer, et l’armée américaine n’a d’autre solution que d’emmener une volontaire dans ce bordel. A savoir Ella Thomas, jeune Afro-Américaine dont le seul atout est de savoir chanter le jazz. En quête de Norma, la voilà plongée dans les Essaims, contrôlés par Heydrich et sa bande de tristes lurons racistes, qui n’ont d’autre ambition que d’envahir le monde réel…

Présenté ainsi, ce « Demi-Monde » a quelque chose de Tron : L’Héritage ou surtout de Sucker Punch. Même aventure entre réel et virtuel, même tendance au gloubi-boulga historico-fantaisiste, mêmes protagonistes féminines du genre « kick-ass girls »… Mais là où la mayonnaise échouait à prendre dans le film de Zack Snyder, celle de ce premier tome du « Demi-Monde » se révèle plutôt réussie, grâce à sa foultitude de néologismes (une gageure à traduire : le résultat est forcément moins réjouissant que la VO, mais reste très honorable), au rythme trépidant de l’histoire et sa galerie de personnages historiques tous aussi détestables les uns que les autres (quoique un tantinet stéréotypés). C’est souvent gros, mais ça passe. Divertissement de bonne qualité, Hiver sera suivi de trois autres tomes, titrés tout naturellement selon les saisons (Spring est déjà sorti en anglais ; Summer est prévu pour courant 2013, et on attend Fall). Ne reste plus qu’à espérer que Rod Rees saura y poursuivre et conclure son histoire avec le même brio et le même enthousiasme que ce premier volet.

Erwann PERCHOC

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