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Les critiques de Bifrost

Homo Vampiris

Homo Vampiris

Fabien CLAVEL
MNÉMOS
300pp - 20,30 €

Bifrost n° 58

Critique parue en avril 2010 dans Bifrost n° 58

Après un détour du côté de la littérature pour la jeunesse, Fabien Clavel est de retour chez l'éditeur où il fit ses premiers pas, il y a bientôt dix ans, avec un livre tout à fait dans l'air du temps. Autant vous prévenir d'emblée : si vous avez développé une allergie chronique aux jeunes héroïnes à la sexualité débridée, aux canines hypertrophiées et aux habitudes alimentaires singulières, passez votre chemin. Ceci dit, si pour vous un roman doit mettre en scène des personnages bien campés, développer une intrigue qui tienne la route et faire preuve d'un minimum d'originalité, Homo Vampiris n'est pas pour vous non plus.

Au milieu du XXIe siècle, entre pénurie de combustibles fossiles et cataclysmes à répétition, le monde se porte de plus en plus mal. À Londres, Nina Kudelski mènerait une vie tout à fait banale si elle ne ressentait pas régulièrement le besoin irrépressible de se nourrir de sang frais, un besoin qu'elle a pris l'habitude d'assouvir en s'abreuvant à même le sexe de ses amants d'un soir. La demoiselle ne semble se poser aucune question sur sa nature et sa soif particulières, jusqu'au jour où elle rencontre Ashanti Kumasi, diplomate ghanéen travaillant à l'ONU et vampire lui aussi. Elle va alors se retrouver au centre d'une lutte opposant un ancien groupe d'activistes buveurs de sang (l'Ancolie), la famille régnante du petit monde vampirique (le prince Bathory et son entourage), et une armée de tueurs à la solde des trois grandes religions monothéistes (la Brigade Œcuménique), sans oublier Zéro, créature unique en son genre, évadée d'une clinique privée roumaine et poussée par son instinct à rechercher ses « enfants » aux quatre coins de l'Europe.

De Londres à Pékin en passant par Paris, Berlin ou Prague, Fabien Clavel lance tout son petit monde dans une course ininterrompue durant laquelle on se flingue à tout va et l'on s'égorge entre amis. Le romancier semble être allé chercher son inspiration dans des films comme Ultraviolet ou le Blade version Guillermo Del Toro, mais on se lasse assez vite de ces fusillades à répétition revenant avec une régularité métronomique.

Tout aussi pénible, à la longue, est l'histoire elle-même. En multipliant les protagonistes et les différends qui les opposent, Fabien Clavel ne fait que délayer son intrigue et repousser ses révélations bien au-delà de leur date limite de fraîcheur.

On trouve bien dans Homo Vampiris quelques éléments potentiellement intéressants, que ce soit le contexte dans lequel se déroule le récit ou la forme particulière de vampirisme que décrit Clavel. Malheureusement, ce dernier ne les développe jamais. Son futur proche n'est qu'un décor sans vie, et ils ont beau déambuler en plein jour et être insensibles aux symboles religieux, ses vampires n'en sont pas moins caricaturaux au possible. Le romancier tente bien de leur donner davantage d'épaisseur à travers divers flashbacks, peine perdue. Ils ne sont que des coquilles vides qu'il manipule selon les besoins de son intrigue et dont il se débarrasse une fois leur rôle terminé. Il n'est qu'à voir le destin final des membres de l'Ancolie, individualistes féroces tout au long du roman qui, dans un élan de philanthropie sorti de nulle part, se sacrifieront bravement pour le bien supposé de leur espèce.

Accumulation pénible de clichés artificiellement dopée à la testostérone, Homo Vampiris ne devrait plaire qu'aux plus boutonneux des amateurs du genre, que la promesse de quelques scènes de cul explicites et de virils fracassages de tronches suffit à émoustiller. Le reste de la population sera bien inspiré d'aller chercher son bonheur ailleurs, et ce malgré le jury du Grand Prix de l'Imaginaire qui, de façon incompréhensible, a sélectionné le présent roman dans sa short list des meilleurs titres francophones de l'année… On passe.

Philippe BOULIER

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