Cela fait quinze ans qu’aucun livre de James Blaylock n’a été édité en France. Le fait éditorial est assez extraordinaire, quand on y pense, tellement son œuvre aurait de quoi réjouir le public francophone. Bragelonne le réédite dans un superbe écrin, celui de la sélection annuelle du « mois du cuivre ». Ce roman est un des premiers publiés par Blaylock en 1986, et a remporté le Philip K. Dick Award de 1988. Il fait surtout date dans l’histoire des genres de l’Imaginaire parce qu’il est devenu, avec les romans de Tim Powers et de K.W. Jeter, une des fondations du steampunk.
À ce titre, il est nécessaire de rappeler que le steampunk a fortement évolué ces trente dernières années. Les corsets et les rouages sont absents ici. Nous sommes dans un steampunk des origines, quand le genre n’est pas codifié, quand tout est possible parce qu’en train d’être inventé. D’ailleurs, James Blaylock a été le premier auteur américain d’une nouvelle steampunk, en 1978, avec « The Ape Box Affair », dont le personnage principal est déjà celui d’Homunculus, Langdon St Ives.
Là où Homunculus peut surprendre le plus le lecteur qui le découvrirait aujourd’hui, c’est dans son approche de l’uchronie victorienne. Ce n’est pas la création rétrofuturiste d’un passé qui aurait pu être, en y ajoutant une dose de science-fiction pour permettre une rupture avec notre propre histoire. Nous avons au contraire une uchronie victorienne de la fantaisie et de l’absurde, de l’humour et de la déraison. Le cadre historique est au service de la création d’une fiction où tout devient littéralement possible.
Le roman parle d’un étrange aéronef qui parcours le ciel londonien de la fin du XIXe siècle, de la lutte entre le millionnaire maléfique Kelso Drake et le scientifique Langdon St Ives, de carpes susceptibles de rendre immortel, de pilleurs de tombes, de zombies et d’extraterrestres (ou inversement), d’une jeune fille en détresse, d’un savant fou, des maisons closes londoniennes et d’un fabricant de jouets… Il ne sert à rien de résumer une intrigue dont le principal attrait est d’être ressentie, dans son rythme hallucinant et sa construction baroque.
On s’amuse énormément à se perdre dans le fil du récit, à croiser les références littéraires et les clins d’œil aux copains. Il est des livres que l’on est heureux de voir réédités et Homunculus en fait définitivement partie (même à 25 euros pour 280 pages !). Que sa sortie ne soit pas un vulgaire feu de paille, aussi éblouissant soit-il. Donnez-nous le reste des aventures de Langdon St Ives.