Dario ARGENTO
ROUGE PROFOND
190pp -
Critique parue en octobre 2019 dans Bifrost n° 96
Dario Argentio, pour la portion pré-cacochyme du lectorat, c’est d’abord le giallo ; puis Phenomena : Donald Pleasance, Jennifer Connelly, BO par Iron Maiden ; enfin, la Trilogie des Mères, histoire de sorcières étalée sur 30 ans de production et inspirée par le Suspiria de Profundis de De Quincey. Un maître de la lumière succombant trop souvent à son goût immodéré du grotesque. Une œuvre dont la légitimité artistique est de plus en plus régulièrement contestée.
Aujourd’hui, à 77 ans, Argento sort son premier recueil de nouvelles d’horreur, sobrement intitulé Horror. Était-ce bien nécessaire ?
Horror est constitué de six textes de longueurs variables. « Une nuit aux Offices » se déroule dans le musée éponyme. Argento, à la première personne, y fait une visite nocturne de repérage et y est saisi par la violence trop longtemps contenue des fem-mes exposées, d’Artemisia « Holophern » Gentileschi à la Méduse du Caravage – un rappel en abyme de son propre Syndrome de Stendhal. Trop ou trop peu, au choix. « Rouge pourpre à la Biblioteca Angelica » rappelle un peu L’Oiseau au plumage de cristal. Voilà. « Villa Palagonia » entraîne le lecteur sur les traces d’un visiteur peureux de la célèbre Villa palermitaine des Monstres pour une histoire d’adultère, de meurtre et de fantômes. Convenue et prévisible. « Les Oubliettes de Merano » renoue avec l’ambiance de la Trilogie des Mères, quand un enfant citadin est placé chez une étrange nourrice. Peut-être la plus engageante par l’alternance froideur/moiteur qu’elle propose. « Alchimie macabre au château de Gilles », sur Gilles de Rais, les enfants, tout ça… Que peut-on écrire de neuf sur Gilles de Rais ? Une espèce de petit conte peu crédible à la Hansel et Gretel. Enfin, bouquet final, « Les Démons de Singa-pour », resort, terroristes sanguinaires, varans (!) salvateurs. Absolument grotesque.
Par-delà le détail de chaque texte, l’ensemble – écrit en collaboration (jusqu’à quel point ?) avec Pamela Ferlin – est vraiment mauvais. Textes poussifs et ennuyeux, vocabulaire limité ou répétitif (plus lu de « cantilène » que durant toute ma vie), monologues internes naïfs et pénibles, personnages et situations peu crédibles ou atrocement datés. On pourrait juste dire, ce qui serait déjà rédhibitoire, que, non content d’être souvent inférieur à une rédaction de collège, le recueil Horror est sop-horrifique. On ajoutera, pour la route, que décrivant de façon graphique un massacre terroriste sans oser, dans la nouvelle précédente, faire de même avec les nuits de Gilles de Rais, on est ici, en plus, dans de « L’horreur sans estomac ».