Yannick RUMPALA
CHAMP VALLON
23,00 €
Critique parue en octobre 2018 dans Bifrost n° 92
À chaque époque ses troubles. En ce début de XXIe siècle, il s’agit essentiellement de l’urgence écologique assortie de probables effondrements (environnementaux comme civilisationnels) susceptibles de survenir dans un avenir plus ou moins proche… voire très proche. Avec ses petites mains, ses pelleteuses et ses usines, l’humanité a même fait entrer la planète Terre dans une nouvelle ère géologique, ce que d’aucuns nomment l’anthropocène, et il n’y a pas de quoi pavoiser. Bref, l’avenir, ça tombe bien, cela fait des décennies que la science-fiction s’y consacre – que ce soit sous forme littéraire ou cinématographique. Maître de conférences en science politique à l’université de Nice dont les travaux s’appuient bien souvent sur les mauvais genres qui nous intéressent en Bifrosty, Yannick Rumpala entreprend avec le présent essai de dresser un panorama de la SF sous l’angle écologique et environnemental. Car la science-fiction, on le sait, constitue un formidable laboratoire pour imaginer les futurs, en poussant à chaque fois les curseurs un peu plus loin. Et si ? Et après ? Son but n’est pas seulement de prévenir mais aussi d’envisager les suites et conséquences.
Dans la première partie de Hors des décombres du monde, Rumpala s’attache à passer en revue les œuvres « Éprouvant l’habitabilité des mondes », tant du côté des désastres écologiques que des solutions pour les régler (quitte à changer drastiquement la nature, environnement ou humain, pour ne pas avoir à changer de modèle économique). La distinction utopie/dystopie fait l’objet de la deuxième partie, et il en résulte que les choses s’avèrent assez peu binaires : au-delà du pessimisme du post-apo et de l’optimisme béat du technofuturisme, la SF peut servir d’outil de réflexion pour proposer des « lignes de fuite », auxquelles se consacre la troisième partie de l’essai. Lignes de fuite qui ne sont pas forcément des modèles à suivre à la lettre, mais qui, de la frugalité autogérée des Dépossédés d’Ursula K. Le Guin à l’abondance automatisée du cycle de la « Culture » de Iain M. Banks en passant par plusieurs autres modalités, proposent à tout le moins des orientations pertinentes pour un avenir où nous autres humains n’avons pas provoqué l’inhabitabilité de ce monde (et, au passage, notre disparition).
La situation n’a rien de ravissant mais cet essai – qu’on se gardera de picorer tant sa prose est dense – invite à garder espoir. Yannick Rumpala le rappelle dans sa conclusion : les changements sociaux interviennent par la culture, élément auquel la SF, « poétique des devenirs », appartient de plein droit. La science-fiction sauvera-t-elle le monde ?