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Les critiques de Bifrost

Humanité divisée

John SCALZI
L'ATALANTE
544pp - 26,50 €

Critique parue en avril 2015 dans Bifrost n° 78

Pour conquérir les étoiles, l’humanité rajeunit les volontaires terriens, qui reçoivent un corps plus performant à la peau verte. Au terme de leur engagement militaire, les Forces de défense coloniale peuplent les planètes de l’Union Coloniale. Les quatre premiers opus de la série du « Vieil et homme et la guerre » ont décrit, à travers les pérégrinations de John Perry, une réalité moins idyllique que les promesses de l’Union Coloniale. A la Terre laissée dans l’ignorance des conflits stellaires et n’ayant même pas accès à l’espace, Perry a révélé les mensonges des recruteurs, ce qui a conduit à une rupture des relations diplomatiques.

Humanité divisée débute alors que l’UC se heurte au Conclave, un groupement de quatre cent espèces extraterrestres qui, fort de cette hégémonie, interdit désormais aux civilisations non-affiliées de coloniser de nouveaux mondes. Le Conclave laisse cependant ces dernières se battre entre elles pour conquérir leurs propres ressources. Menacée par une coalition de ses ennemis, l’UC a plus que jamais besoin de la Terre pour enrôler de nouveaux soldats. Elle doit aussi se trouver des alliés et régler quelques-uns des conflits latents par la voie diplomatique. La situation est encore compliquée par la découverte de colonies clandestines qu’il faut évacuer au plus tôt, avant que le Conclave n’en ait connaissance.

Ce sont donc les coulisses politiques que John Scalzi choisit d’explorer dans ce volume mettant principalement en scène Harry Wilson, lieutenant des FDC, seule peau verte à bord du Clarke, commandé par le capitaine Sophia Coloma, qui transporte l’ambassadrice Ode Abumwe. La destruction d’un vaisseau diplomatique chargé d’entamer des négociations avec les Utches leur permet de se positionner au premier plan d’une intrigue où, tout en menant différentes missions pacificatrices, ils tentent d’identifier ceux qui cherchent à les faire échouer et à empêcher la réconciliation avec la Terre par ailleurs tentée par un rapprochement avec le Conclave.

Les intrigues s’appuient comme il se doit sur les manœuvres tortueuses et le double jeu des politiques, le rôle des médias (« je fournis les images, vous fournissez la guerre »), évoquant les nécessaires compromissions sans aller au-delà de la surface des choses. Plus soucieux de livrer un divertissement digne de ce nom, Scalzi ne néglige pas les scènes d’action ni les passages humoristiques — jusqu’au burlesque, alternant des séquences sympathiques avec d’autres, plus affligeantes, comme l’épisode du toutou dont l’ambassadrice ne se sépare jamais.

Les treize chapitres fonctionnent en tant que nouvelles indépendantes qui contribuent malgré tout à faire progresser la trame principale. Les dédicaces qui apparaissent à chaque tête de chapitre s’adressent à un nombre élevé de connaissances comprenant aussi bien les attachés de presse de Tor que le conseil d’administration de la SFFWA (le syndicat américain des écrivains de SF professionnels) dont Scalzi est le président.

Malgré un élargissement de l’univers et quelques tableaux réussis, le cycle semble dorénavant se cantonner au space opera de série télévisée vers laquelle louche Scalzi, après une première participation qui a inspiré son précédent roman, Redshirts (prix Hugo et « poubelle » de Bifrost), et l’annonce de l’adaptation cinématographique du Vieil homme et la guerre. Ce qui explique sans doute la narration très dialoguée, au détriment des descriptions et des aspects secondaires du récit, plus proche du scénario que du roman, chose qu’on regrettera au regard du potentiel de l’ensemble.

Claude ECKEN

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