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Les critiques de Bifrost

Il y a des portes

Il y a des portes

Gene WOLFE
DENOËL
310pp - 9,75 €

Bifrost n° 111

Critique parue en juillet 2023 dans Bifrost n° 111

Green voit sa compagne le quitter alors qu’il ne s’y attendait pas ; dans son mot d’adieu, elle mentionne simplement l’existence de portes, qu’il ne faut pas franchir, mais sans lui dire pourquoi. Amoureux éperdu, Green va se lancer à la poursuite de Lara, et vraisemblablement franchir une de ces portes, dont on ne sait d’ailleurs comment elles se matérialisent. Car, dans la suite des événements, il découvre dans un hôpital pour poupées une miniature de Lara, qui ressemble également à une « déesse » que l’on voit à la télé, il s’aperçoit que la monnaie a changé et que, dans cet univers qu’il convient bien d’appeler parallèle, l’acte d’amour est mortel pour l’homme (mais pas pour la femme). Green, déstabilisé, n’aura néanmoins de cesse de retrouver Lara, même si pour cela il devra risquer sa vie à plusieurs reprises…

Que ce roman soit paru dans une collection de fantastique reste un mystère, car même si aucune explication rationnelle n’est donnée, on est bien ici dans une histoire de mondes parallèles habituellement davantage assimilés à la SF. Mais la découverte de la thématique va se faire progressive, à mesure que Green est confronté à des petits changements du référentiel de son existence : la monnaie, donc, son resto favori (italien, tantôt une pizzeria tantôt une trattoria), et de multiples autres changements. Mais, comme Green a fait par le passé quelques séjours dans un hôpital psychiatrique, on est en droit de se demander s’il s’agit bien de SF ou si l’auteur ne nous décrit pas plutôt une hallucination de son protagoniste. Cette volonté de désorienter sans donner d’indices à son lecteur, associée à une première partie d’intrigue débridée, aboutit à un début de roman quelque peu confus, où les enjeux semblent extrêmement obscurs et le propos de Wolfe peu lisible, l’aspect ludique (« À quel moment exactement Green a-t-il passé une porte, et dans quel monde se trouve-t-il désormais ? ») ne parvenant pas à contre- balancer une impression de manque de maîtrise globale. Heureusement, lorsque l’auteur commence à donner quelques clés, vers le tiers du roman, le lecteur peut comprendre un peu mieux où il veut en venir, même si, avec Wolfe, il y a certainement des niveaux de lecture qu’on n’a pas perçus. Le propos quelque peu clarifié, l’auteur n’abandonne pas son intrigue à rebondissements, et emmène son lecteur où bon lui semble, sans qu’il soit possible d’anticiper grand-chose, et ce jusqu’à la dernière page. Il est donc conseillé de débrancher son cerveau pour apprécier ce livre et l’humour assez sarcastique qui le traverse de bout en bout. Reste qu’in fine, ce livre restera assez mineur dans l’œuvre de l’auteur.

Bruno PARA

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