Dan SIMMONS
POCKET
896pp - 14,00 €
Critique parue en janvier 2021 dans Bifrost n° 101
[Critique commune à Ilium et Olympos.]
La déception. Chante, ô Muse, la déception du lecteur qui, s’attendant à voir le talentueux auteur des « Cantos d’Hypérion » revenir à la science-fiction après ses détours par le polar et le fantastique, se sentit floué une fois reposé le second volume du diptyque Ilium/Olympos. Pourtant, Muse, les choses ne commençaient pas si mal : situé dans un futur lointain, le premier tome prouve que Simmons n’a pas son pareil pour emporter ses lecteurs et mêler érudition, mystère et aventure, ici au fil de trois trames narratives. La première suit les pas de Thomas Hockenberry, érudit du xxe siècle ramené à la vie et chargé, en compagnie d’autres scholiastes pareillement ressuscités, de rapporter les événements d’une reconstitution grandeur nature de la guerre de Troie au bénéfice du panthéon grec. Ces dieux plus vrais que nature sont boostés au nec plus ultra des technologiques quantiques et installés au sommet de l’Olympus Mons d’une Mars terraformée. Justement, l’activité quantique sur la planète rouge suscite l’inquiétude des moravecs – ces entités biomécaniques conscientes menant leur petit bout de chemin du côté de Jupiter –, qui décident d’y dépêcher une expédition. Enfin, sur Terre, un million d’humains à l’ancienne vivent et font la fête sans se poser de questions, jusqu’au moment où l’un d’eux comprend qu’il y a bien plus de choses dans la terre et les cieux que n’en rêve sa philosophie. Si cette dernière trame d’Ilium est la plus faiblarde, les échanges entre des moravecs fans de Proust et Shakespeare s’avèrent savoureux, et la reconstitution de la guerre de Troie montre un Simmons à la puissance homérique quand il s’agit de raconter les scènes de combat – ça charcle et ça gicle. Mené tambour battant, truffé de références littéraires, ce premier tome suscite l’enthousiasme en dépit d’un nombre excessif de pages. Bien qu’inférieur à Hypérion, le roman reste fort solide.
Et puis arrive Olympos. Situé neuf mois après les événements d’Ilium, ce deuxième tome enchaîne les sous-intrigues sans intérêt et malmène la temporalité pour entretenir un suspense artificiel, tandis que Simmons agite les termes « quantiques » et « nano » comme autant de formules magiques. Pire l’auteur semble tirer à la ligne comme rarement. Si Ilium était long, Olympos s’avère interminable. La machine narrative de Simmons se grippe : les rouages continuent de tourner, oui, mais on les voit, et les entrailles du livre ne sentent pas très bon. Après un début tonitruant, le diptyque s’achève en pétard mouillé : tout ça pour ça ? Ayant envisagé à l’origine son projet comme une trilogie, Simmons s’est brouillé avec son éditeur au moment de la sortie d’Olympos : si celui-ci boucle une bonne part des intrigues, tout n’est pas résolu pour autant, et laisse un sentiment lancinant de frustration mâtiné de déception.