Jack CAMPBELL
L'ATALANTE
416pp - 22,50 €
Critique parue en juillet 2012 dans Bifrost n° 67
Voici donc le septième tome des aventures de John « Black Jack » Geary, héros revenu d’entre les morts après une hibernation d’un siècle dans une nacelle de survie. Dans les six tomes précédents, il a pris le commandement de la flotte de l’Alliance, tombée dans un piège mortel au cœur de l’espace des Mondes Syndiqués, et l’a ramenée chez elle après de durs combats remportés grâce à un sens tactique qui lui fut inculqué à une époque où l’on avait encore le temps de former des officiers… Au cours de ce périple, il a découvert l’existence d’une race extraterrestre baptisée Enigma, connue des Syndics mais ignorée de l’Alliance. Ce sont ces ET qui sont à l’origine de la guerre fratricide qui déchire les Humains. Ils ont aussi secrètement fourni, tant à l’Alliance qu’aux Syndics, des portails hyperspatiaux permettant de voyager beaucoup plus vite entre les étoiles mais qui peuvent être convertis en ADM et exploser comme des novæ, dévastant des systèmes solaires entiers. L’histoire n’est pas si complexe que la lecture des volumes précédents soit un prérequis indispensable à celle de celui-ci. C’est néanmoins préférable pour découvrir les personnages.
On retrouve dans ce premier tome de la deuxième série, Par-delà la Frontière, les principaux personnages de la première. Outre Geary lui-même, le capitaine Tanya Desjani commandant du vaisseau-amiral Indomptable et Victoria Ryone, ex-sénatrice de la République de Callas (alliée de l’Alliance) victime d’un retour d’urnes. Les capitaines Duellos, Tulev et Badaya continuent d’assumer les seconds rôles en compagnie de quelques têtes nouvelles.
Comme Ulysse, « Black Jack » Geary est rentré chez lui alors qu’on ne l’y attendait plus et lui aussi gêne. Le problème n’a rien de neuf : que faire des soldats maintenant que cette nouvelle « Guerre de Cent Ans » est finie ? Bien que les héros morts soient moins encombrant que les vivants, Geary a été promu amiral : difficile de faire autrement. Le gouvernement de l’Alliance et le QG de la flotte le craignent et se demandent comment se débarrasser de lui et de ses escadres. Ils voient en Geary un potentiel potentat, à l’instar de César ou de Bonaparte ; nul ne semble envisager qu’il puisse entrer en politique comme Grant, De Gaulle ou Eisenhower, sans rompre avec la démocratie. Il semble que Campbell ait envie de nous conter de nouvelles batailles spatiales plutôt qu’électorales…
Les coups bas pleuvent sur la flotte victorieuse. Après qu’une majorité des officiers a échappé à la cour martiale et frôlé la mutinerie, Geary et sa flotte sont renvoyés en mission dans l’espace Enigma, au-delà des Mondes Syndiqués, avec des ordres qui sont autant d’injonctions paradoxales. On a voulu lui retirer tous les personnels ayant des compétences en matière de portails, celles-ci ayant naguère sauvé la flotte. Le QG a ensuite tenté de soustraire à une flotte menacée par l’obsolescence programmée ses vaisseaux ateliers… Geray reçoit finalement l’ordre de libérer un camp d’officiers supérieurs prisonniers des Syndics, dont les politiques espèrent bien qu’ils sèmeront la zizanie dans la chaîne de commandement. Pour découvrir au bout du compte que, tandis qu’on refusait des fournitures essentielles à ses navires repartant en mission, l’Alliance construisait de nouveaux astronefs de combat dans son dos. Le lecteur, lui, se demande s’il s’agit simplement des manigances de politiciens accrochés à leur fauteuil comme des bernacles à leur rocher, ou si les Enigma sont réellement derrière tout ça.
Plus gros que les volumes précédents, Intrépide est aussi bien meilleur sans pour autant qu’il y ait de quoi casser trois pattes à un canard. « Une très grande réussite que cette saga riche et généreuse, profondément humaine et sincère (…) Un très grand volet de l’histoire de la science-fiction », nous annonce une quatrième de couverture qui en fait encore des tonnes. Non mais franchement ! On ne voit pas comment le Nobel de littérature pourrait échapper à Campbell, d’autant que vu la thématique, il devrait aussi décrocher le Nobel de la Paix ! L’idée qu’il y ait « un avant et un après » Etoiles Mourantes, roman signé Ayerdhal et Dunyach, livre au demeurant bien meilleur et plus ambitieux que celui-ci, avait en son temps prêté à sourire… A-t-on jamais envisagé les palmes académiques pour l’auteur de L’Empereur d’Eridan ? Non ? Curieux. Ce vieux Fleuve Noir « Anticipation » de Pierre Barbet vaut bien Intrépide, qui est un roman à lire à la pause-café, dans le bus ou sur le trône. Pour faire la coupure entre deux bouquins plus ambitieux. Plus intéressant que la première série, certes, ça n’en reste pas moins pour fans de la série télé Battlestar Galactica, et autres aficionados de combats spatiaux. Ceux qui ont aimé le premier cycle y trouveront leur compte, les autres peuvent passer leur chemin sans regret aucun.