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Les critiques de Bifrost

Invisible

Invisible

Fabrice COLIN
MANGO Jeunesse
216pp - 9,00 €

Bifrost n° 42

Critique parue en mai 2006 dans Bifrost n° 42

Ça ne sent toujours pas la rose dans les favelas de Rio en 2020, et les gangs de gamins rôdent à la recherche du coup qui rapporte. Ainsi Tiago et Douglas, qui braquent un fourgon blindé et se retrouvent en possession d'un mystérieux tube. Mais leurs vrais ennuis commencent lorsque le tube se casse : Tiago et Douglas ont libéré des nanorobots incontrôlables dans l'atmosphère. Des nanorobots agressifs qui prennent possession des corps de leurs hôtes et les transforment en machines à tuer…

Fabrice Colin s'attaque à une branche de l'avancée scientifique, la nanotechnologie, qui fait particulièrement peur car ses applications pourraient tout à la fois servir l'humanité pour le meilleur, mais aussi l'asservir pour le pire (comme l'essentiel des découvertes scientifiques, finalement). Quoi de plus effrayants que des microbes intelligents capables de vous modifier à votre insu, de se servir de vous comme des pantins ? Colin joue sur les atavismes et met en scène un vrai scénario conspirationniste doté d'un arrière-goût de réel fort déplaisant — on se surprendrait presque à se gratter tout en vérifiant que rien d'anormal ne nous arrive.

Au-delà de la dénonciation des dérives scientifiques, l'auteur nous balance encore en plein visage les réalités absolument pas science-fictives de notre monde actuel farci de gamins misérables totalement livrés à eux-mêmes. L'horreur quotidienne est là, sous nos yeux, et même si nous ne pouvons pas toujours y faire face, c'est bien à la S-F de nous la rappeler. Un travail de mémoire et de témoignage savamment accompli par l'auteur, qui propose une fois encore des personnages attachants et réalistes dans un livre qui se veut aussi une véritable aventure humaine : amour, haine, survie, tous les ingrédients de la tragédie.

Au total une belle réussite, une de plus à mettre au crédit de Fabrice Colin, dont on soulignera notamment le final, qui n'est pas sans rappeler la scène de l'autodestruction de Tetsuo dans le manga Akira. Un roman remarquable et angoissant pour tous, vraiment pour tous.

Michaël ESPINOSA

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