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Les critiques de Bifrost

Itinéraires Nocturnes

Itinéraires Nocturnes

Tim POWERS, James P. BLAYLOCK, Alain SPRAUEL
DENOËL
312pp - 20,30 €

Bifrost n° 62

Critique parue en avril 2011 dans Bifrost n° 62

Sous la belle illustration de Martine Fassier — une boussole où les points cardinaux laissent place à des signes cabalistiques —, ce volume d’une taille raisonnable rassemble bien l’intégrale des nouvelles de Tim Powers : douze textes publiés en vingt-cinq ans. Mais si l’écrivain se montre plus prolifique sur la longue distance du roman, moindre quantité ne rime pas avec piètre qualité, et c’est un superbe recueil que propose Denoël.

Dès « Vers le bas de la colline », le décor est planté : la Californie de nos jours ou du moins d’une époque parallèle qui ressemble à la nôtre, et une galerie de personnages décalés, présentés de telle sorte que le lecteur les prendra sans doute d’abord pour des vampires. Puis « Turbulences » aborde le thème qui va devenir le plus constant, celui du fantôme, ou pour être moins limitatif, celui de la hantise. « La Better Boy », première de trois collaborations avec l’ami et le collègue de longue date, James Blaylock, poursuit dans la même veine (si l’on peut dire, la Better Boy en question étant… une tomate), tandis que « Par longs chemins », autre nouvelle cosignée, se révèle un étonnant conte de Noël.

Par parenthèse, Powers ne fait pas mystère de sa foi chrétienne, et celle-ci, plus encore que dans ses romans, je trouve, infuse ses nouvelles et les enrichit de subtile façon (et c’est un agnostique qui parle).

Les textes se succèdent — je ne les citerai pas tous —, créant des échos charmeurs entre diverses situations émouvantes, et il apparaît que l’auteur a raffiné son art de conteur, sa maîtrise de la narration, au point qu’entre les trois qui concluent cette intégrale, « Le Réparateur de bibles », « Une âme dans une bouteille » et « L’Heure de Babel », je serais bien en peine de choisir mon préféré. Au fil de ce sommaire, on aura admiré un talent unique, brouillant volontiers les frontières entre les genres ; le fantastique, qui prédomine, se mêle ainsi, à l’occasion, de science-fiction, notamment de voyage ou de glissement temporel.

Tim Powers, sous des dehors un peu sages, aime à dynamiter le réel en des explosions ralenties. Faire d’une pareille entreprise de démolition une série d’œuvres d’art, c’est un pari, pleinement réalisé ici.

Pierre-Paul DURASTANTI

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