Janus est le sixième roman d’Alastair Reynolds publié en France. Comme ses prédécesseurs, il s’agit d’un fort volume de plus de 500 pages. Les lecteurs de la tétralogie des Inhibiteurs ou de La Pluie du siècle ne seront nullement dépaysés. NSO ou space opera hard SF, Reynolds œuvre dans la même veine que Stephen Baxter et Gregory Benford avant eux.
Janus est une lune de Saturne qui soudain échappe à son orbite et fonce vers Alpha Virginis, étoile également connue sous les noms de Spica ou de l’Epi. L’astronef Rockhopper, d’ordinaire affecté à des missions de forage et de catapultage de comètes vers le système solaire intérieur, se trouve être le seul vaisseau susceptible d’intercepter la lune fugueuse dont tout le monde, à commencer par la DeepSchaft, la compagnie qui a armé le Rockhopper, a déjà compris qu’elle est un artefact extraterrestre et qu’il y avait là un max de fric à se faire. Bella Lind, le capitaine du Rockhopper, met la proposition aux voix et une petite majorité l’emporte, motivée à l’idée de primes substantielles. Le Rockhopper court donc sus à Janus et à ses secrets en forçant l’accélération. Suite à un accident, l’ingénieur Svetlana Barseghian découvre que les télémesures concernant les réserves de carburant ont été truquées par la compagnie et que s’ils rejoignent Janus, ce sera pour un aller simple faute de carburant pour revenir. La compagnie ne s’intéresse qu’aux données que pourra recueillir le Rockhopper sur Janus, et en-isage de délibérément sacrifier les cent quarante-cinq membres d’équipage. Entre les pressions de la compagnie, relayées par son âme damnée, Craig Schrope, et les allégations de son amie, Bella Lind devra trancher. Elle le fera en dépit de ses états d’âme et l’amitié des deux femmes n’y survivra pas. Si Lind tentera bien de recoller les morceaux, Barseghian lui vouera une haine inextinguible et ne lui pardonnera jamais. Cette dernière mènera une mutinerie, mais trop tard : à proximité de Janus, le Rockhopper est entraîné de plus en plus vite dans les profondeurs de l’espace. Bella Lind parviendra à contrer le projet de Barseghian — faire faire demi tour au vaisseau —, mais pas à retrouver son commandement. Des partisans de Lind seront assassinés cruellement et sans pitié, puis les assassins eux-mêmes exécutés. Lind sera mise à l’isolement durant des dizaines d’années tandis que Barseghian présidera à l’éta-blissement d’une colonie sur Janus, exploitant l’artefact qui les emportera toujours plus vite et plus loin. Aux vitesses relativistes désormais atteintes, ils plongent ainsi dans le futur. La survie de la colonie sur Janus s’annonce précaire…
Alastair Reynolds nous livre là un bon roman, sans temps morts, articulé autour du conflit entre ses deux héroïnes, trame sur laquelle s’enroulent les diverses et nombreuses péripéties. Janus est un roman efficace et fort plaisant quoique sans génie, à l’intrigue totalement linéaire, les événements s’enchaînant comme une chute de dominos. La psychologie des principaux personnages sonne juste sans pour autant que le livre devienne un roman psychologique, loin s’en faut. Si l’on s’en tient à la seule description des faits, Janus est un roman d’une ampleur cosmique mais il ne parvient pas provoquer la même sensation de vertige qui nous saisit à la lecture des meilleures pages de Stephen Baxter. Reynolds échoue à nous faire éprouver l’abîme de temps où Janus a emporté l’équipage du Rockhopper et l’immensité de la structure extraterrestre spicaine. Il y a des questions qui restent sans réponse. Pourquoi Janus tue-t-il certains humains ? Et, au bout du bout, on ne sait à peu près rien des fameux Spicains. Ils ne soutiennent pas la comparaison avec les Xeelees de Baxter. On les sent une échelle en dessous alors que les autres espèces qui sont rencontrées soutiennent la comparaison avec les extraterrestres de Baxter. Ces défauts restent toutefois secondaires. Janus sera une vraie source de plaisir pour tous les amateurs de ce genre de science-fiction là, des amateurs qui, par les temps qui courent, n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. Faute de grive…