Alastair REYNOLDS
PRESSES DE LA CITÉ
592pp - 24,50 €
Critique parue en avril 2023 dans Bifrost n° 110
Cinq ans à peine après L’Espace de la révélation, Alastair Reynolds publie son sixième roman, Pushing Ice. Traduit en français sous le titre Janus, il possède tous les traits caractéristiques, qualités et défauts, qui marquent l’œuvre de l’auteur dans les débuts de sa carrière littéraire. Il y fait ce qu’il sait alors le mieux faire : reprendre à son compte les tropes du space opera et pousser plus loin que ses prédécesseurs l’aventure humaine à travers l’espace.
Nous sommes dans le Système solaire, aux premiers jours de son exploration minière par l’humanité. La petite lune Janus, qui jusqu’alors orbitait paisiblement autour de Jupiter, surprend tout le monde en décidant sans prévenir de prendre la tangente, et fonce en direction de la constellation de la Vierge. Vaguement abasourdie, l’humanité décide de se lancer à sa poursuite pour l’étudier. Le seul astronef suffisamment proche pour accomplir la mission est le Rockhopper, un pousseur de glace, autrement dit un engin minier qui habituellement récolte des comètes gelées. Il n’a que quelques semaines pour rattraper Janus, l’étudier de près, puis rentrer à la maison avant qu’il ne soit trop tard. Janus, qui se révèle être un vaisseau extraterrestre en apparence inhabité. La première partie du roman fait le récit d’une aventure scientifique qui n’est pas sans rappeler le Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke, avec ses meilleurs atours de hard SF. Mais Alastair Reynolds pousse, et embarque ses personnages dans un voyage qui changera l’humanité. Le Rockhopper est happé par le champ de la lune et se voit embarqué avec elle vers sa lointaine destination. À bord, les tensions déchirent rapidement l’équipage et différents clans s’affrontent autour de l’opposition entre le capitaine du vaisseau, Bella Lind, et l’ingénieure Svetlana Barseghian, qui soupçonne la compagnie propriétaire du Rockhopper de les avoir sacrifiés. Une mutinerie éclate, le vaisseau se pose sur Janus, et une colonie s’y établit dans l’espoir de survivre au long voyage involontaire. Commence alors la chronique d’une petite communauté humaine à la dérive, à la manière de tant de récits d’arches interstellaires qui ont fait l’histoire du genre. Mais Alastair Reynolds pousse encore, et mène ses personnages à destination. Dans la troisième partie, l’humanité va se confronter à l’altérité d’autres formes de vie intelligentes, mais pas toujours amicales.
Avec Janus, Alastair Reynolds donne à lire une aventure scientifique et spatiale de haute vo- lée qui ne peut que ravir les amateurs de space opera mâtiné de hard SF. Si le roman se montre très linéaire dans son déroulement et assez pauvre dans le développement psychologique de ses protagonistes, il met le paquet sur le sense of wonder, qualité que l’on attend dans ce type de récits. Surtout, il embarque de tout à son bord. De l’action, de la science, des drames humains et des formes de vie exotiques et originales. On aurait tort de bouder son plaisir.