Olivier BÉRENVAL
MNÉMOS
368pp - 22,50 €
Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117
Olivier Bérenval revient avec ce cinquième roman à la Communauté, univers dans lequel se déroulaient déjà Nemrod et Le Janissaire (cf. les critiques dans Bifrost 89 et 101), continuant d’y explorer les contours d’une humanité confrontée à ses propres limites. Et d’aborder, non sans finesse, des thèmes bien connus de la science-fiction : la colonisation spatiale, l’intelligence artificielle ou encore le transhumanisme, au cœur de cette nouvelle intrigue, à laquelle le penchant de l’auteur pour la hard science parvient à apporter une bonne consistance en quelques trois cents pages. Bien qu’Olivier Bérenval soit loin de bouder les termes techniques propres aux différentes disciplines, ce souci d’efficacité et cette économie d’effets fastidieux lui évitent les écueils bien connus du genre.
Au sein d’un vaste vaisseau-ruche dont la mission est d’accompagner l’humanité dans sa colonisation de nouveaux mondes, de nombreuses destinées s’entremêlent pour former le récit de cette histoire sans que l’on puisse véritablement accorder plus d’importance à l’une ou l’autre. Il faut dire que le titre du roman est sans équivoque : le Ganymede, couramment appelé « Vaisseau » par ses occupants séculaires, est le véritable protagoniste central du récit car c’est à lui qu’est confiée la survie de ces voyageurs en quête de nouvelles planètes et la bonne marche de leur mission, une cette gestion à grande échelle qui dépasse de très loin le facteur humain.
Car c’est bien là le sujet : une humanité dépassée par ses propres ambitions, par les outils dont elle s’est dotée pour les accomplir, en fin de compte bien plus pilotée qu’elle n’est pilote, bien plus ressource gérée que gestionnaire de ressources. En cela, l’exploration d’Olivier Bérenval est fascinante, car tout au long de l’intrigue, la part de décisions appartenant à l’humain ou à la machine n’est jamais claire, et il se plaît à tromper son lecteur en ménageant une certaine confusion entre l’intuitif et le rationnel, l’émotion et l’algorithme, l’autorité de l’un et la capacité de l’autre à la contourner.
L’auteur puise dans ces thèmes sans étouffer sa narration, entremêlant péripéties, flash-back et spéculation scientifique, réussissant ce périlleux exercice d’équilibriste visant à dérouler un récit qui parvient vaillamment à maintenir l’intérêt de son lecteur sans le noyer d’informations trop complexes tout en développant un véritable intérêt pour ces différents personnages. Et cette question qui traverse l’ouvrage : l’humanité est-elle encore maîtresse de sa destinée quand sa survie dépend intégralement de la machine ?