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Les critiques de Bifrost

Jihad

Jean-Marc LIGNY
DENOËL
416pp - 19,06 €

Critique parue en mai 1998 dans Bifrost n° 8

Djamal est un guerrier, un rebelle kabyle rompu à toutes les techniques de guérilla. Et Djamal n'a qu'un but, un unique objectif : venger Fatima, sa sœur, violée et assassinée par Max Tannart, un mercenaire français, dans son petit village d'Aït-Idja. Il est prêt à toutes les extrémités pour parvenir à ses fins, jusqu'à pénétrer clandestinement dans cette France d'un proche futur ou le Parti National tient les rênes du pouvoir, un état ultra policé ou les milices CAID n'attendent qu'une chose : tabasser à mort le premier étranger venu, basané de préférence. Mais Djamal ne reculera pas, ne faiblira pas, car tel est son Jihad…

On l'attendait depuis près d'un an, ce nouveau roman de Jean-Marc Ligny, roman publié en grand format dans la belle collection « Présences » de l'éditeur Denoël. On l'attendait et… oui, sans doute, cela valait le coût d'attendre ! Jihad s'inscrit dans le courant des romans de politique-fiction, un genre qui nous a dernièrement donné certaines des plus belles réussites S-F de langue française, qu'il s'agisse du FAUST de Serge Lehman ou bien encore de Wang (malgré tous ses défauts) par Pierre Bordage. Il y a incontestablement de ces deux œuvres dans le Jihad de Ligny, mais il y a également bien d'autres choses.

Jihad est avant tout un roman convenablement construit servi par une écriture nerveuse, vive, exempte de fioritures superflues. À tel point qu'on a parfois le sentiment de lire un scénario de film tant la manière concise de Ligny sait se faire riche en images (on peut d'ailleurs espérer que quelque producteur bien inspiré saura saisir le potentiel cinématographique de ce bouquin, au regard du budget raisonnable que sa production nécessiterait). Ainsi suit-on les pérégrinations de Djamal entrecoupées de flash-backs, autant de plongées dans un passé d'où émergent des relations frère/sœur proches de l'inceste. À ceci se greffe le quotidien d'un couple de journalistes français en but à la censure et quelques autres personnages dont les destinées se rejoindront dans une inévitable explosion de sang.

Toute l'intelligence de Ligny réside dans sa volonté de ne pas forcer le trait. Certes sa projection nous propulse dans une France future, mais un futur de cinq, dix ou quinze ans maximum. D'où l'absence de rupture et une totale identification (ce que d'aucuns regretteront peut-être, arguant du manque d'épaisseur du « matériel » science-fictif), d'où l'aspect proprement effrayant du roman, un côté réaliste terrifiant auquel notre actualité, la vraie, celle de tous les jours, confère une tonalité aux échos de justesse tout simplement alarmante.

Ligny signe avec Jihad une œuvre forte et juste, un bouquin qui, comme le pinard, « devrait-être obligatoire » !

Olivier GIRARD

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