Un peu à la légère, Johannes Cabal a vendu son âme au diable. Officiellement, pour apprendre les secrets de la nécromancie ; officieusement : on ne le révèlera pas. Mais l’absence de son âme pèse tant à Cabal qu’il décide de la récupérer auprès de qui de droit. Satan ne l’entend pas de cette oreille mais, beau joueur, accepte le pari que lui propose le nécromancien. Celui-ci aura un an pour trouver cent âmes en échange de la sienne, avec, histoire de faciliter (ou de corser) les choses, un imparable moyen de séduction monté sur rails, la Fête Foraine de la Discorde. Seul problème : Cabal est d’un naturel aussi gai qu’un dimanche après-midi de novembre. Mais qu’à cela ne tienne, le nécromancien fait appel aux services de son frère Horst, devenu vampire malgré lui. Et, au cœur de la cambrousse anglaise, voilà les frères Cabal lancés sur un train d’enfer…
Comme pour toute mécanique, il y a un temps de préchauffage : les deux-trois premiers chapitres. Si passées ces cinquante premières pages, le lecteur n’accroche pas, mieux vaut descendre en chemin sans regret. S’il ne décroche pas, le voyage en vaut la peine.
Ponctué de dialogues truculents, de clins d’œil aussi réjouissants qu’irrévérencieux (citons pour seul exemple ces bandits dont le chant de guerre vient de Necronomicon : The Musical…), Johannes Cabal est susceptible de provoquer chez le lecteur neurasthénique une crispation spasmodique de ses muscles zygomatiques. Mais pas seulement, car l’auteur tire aussi des cordes autres que l’humour absurde, aidé en cela par le personnage de Cabal, aussi détestable qu’at-tachant.
Ces qualités parviennent (presque) à faire oublier les défauts du roman. Bâti comme une aventure picaresque, où chaque chapitre est un épisode indépendant, il n’en néglige pas moins quelques enjeux exposés au début ou passe de manière assez expéditive sur d’autres (tel le rassemblement des cent futurs damnés), afin de se consacrer davantage à la fin du voyage et le moment où Cabal doit rendre ses comptes à Satan. Dommage que cela arrive si vite, car la folle équipée du nécromancien à travers une campagne anglaise hors du temps est des plus agréables à suivre — pour le lecteur, s’entend. Johannes Cabal se situe quelque part entre la série La Caravane de l’étrange, en moins métaphysique, et Faust, en plus amusant.
Alors ? Si Johannes Cabal est un individu que toute personne sensée fuirait comme la peste, ça n’est heureusement pas le cas de ce livre, d’autant que le bouquin est fort joliment présenté à l’extérieur comme à l’intérieur.