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Les critiques de Bifrost

Journal des années de poudre

Richard MATHESON
DENOËL
272pp - 20,30 €

Critique parue en avril 2004 dans Bifrost n° 34

Un western dans une collection fantastique, quelle horreur ! Brûlons immédiatement auteur, éditeur, traducteur et correcteurs avant de vouer leurs âmes maudites et malfaisantes aux 666 abysses des enfers. Non ? Bon…

Drôle d'idée, donc, de la part de la collection « Lunes d'encre » que d'éditer Journal des années de poudre d'un certain Richard Matheson… Drôle d'idée, mais finalement pas si inadéquate, dans la mesure où la politique maison vise à défendre des auteurs, et que le Richard Matheson en question n'est globalement pas si inconnu dans le petit monde des littératures de l'imaginaire. Drôle d'idée, peut-être, mais le western a cette petite tradition « pulpesque » qui n'est pas sans rapport avec la S-F la plus académique, ce qui fait que bon, que voulez-vous ma bonne dame…

Bref, le lecteur lambda est en droit de s'interroger, mais également en droit de lire ce livre qui n'a d'autre ambition que le simple divertissement. Et s'il s'agit immanquablement d'un Matheson mineur, la fan ultime ne pourra pas s'empêcher de l'ajouter aux œuvres complètes, tandis que le néophyte trouvera ici une porte d'entrée adéquate au « mystère Matheson »… De quel mystère s'agit-il ? Tout simplement de la technique (qui relève de la magie pure et simple) propre à l'auteur qui veut que toute personne qui lise un de ses bouquins ait le plus grand mal à lâcher la chose avant la fin… Pour ça, rien que pour ça, n'importe quel Matheson vaut le coup.

Et l'histoire, au fait ?

Prenez l'Ouest sauvage, ajoutez-y un peu de poussière, du réalisme (mais pas trop quand même), deux ou trois colts et un fusil à canon scié. Secouez. Voilà.

Journal des années de poudre conte les aventures de Clay Halser. Des aventures sanglantes que le lecteur découvre via le journal d'Halser, légèrement amputé par le journaliste qui a récupéré les cahiers après la mort brutale de l'auteur. De cet amas de papier, quelques 300 pages sont extraites, 300 pages qui résument le monde des cow-boys à elles seules. Honneur hypocrite, brutalité gratuite et stupide, mort et déchéance forment les cercles vicieux dans lesquels évolue Clay Halser, légende de l'Ouest malgré lui, tour à tour Marshall, acteur (dans la troupe de théâtre narrant ses aventures — tout comme l'a un jour fait Monsieur Buffalo Bill himself), redresseur de torts, mais avant tout pauvre type victime de la renommée. Car les légendes sont fatiguées, fatiguées de perdre femmes et enfants, fatiguées de bouffer de la poussière et du plomb, fatiguées d'avoir continuellement peur et de voir leurs rares amis crever en saignant.

À la fois pathétique et loufoque, l'histoire de Clay Halser est une relecture somme toute vivifiante de l'Ouest, semblable (d'une certaine manière) à la vision décapante d'un Sergio Leone.

Oui, certes, la chose ne va pas très loin, mais dans la catégorie roman de gare efficace, il est difficile de faire mieux. Avis.

Patrick IMBERT

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