Brandon SANDERSON, Isaac STEWART
LIVRE DE POCHE
864pp -
Critique parue en octobre 2019 dans Bifrost n° 96
Écrivain prolixe et prolifique, Brandon Sanderson situe une bonne part de ses romans dans le « Cosmère », manière d’univers parallèle régi par la magie (pour faire simple : dans le détail, c’est un peu plus compliqué). Les cycles d’« Elantris » et de « Fils-des-Brumes » y prennent place ; c’est le cas aussi des « Archives de Roshar », série prévue en dix tomes et dont le troisième, Justicière, est paru en ce printemps 2019 sous la forme de deux épais volumes (une véritable course de fond pour la traductrice Mélanie Fazi, chapeau bas à elle).
Bref rappel des événements, pour ceux qui n’auraient pas suivi. Roman introductif du cycle, La Voie des rois nous présente Roshar : planète rocailleuse balayée par les vents (dans le même sens, cela a son importance), elle est peuplée par les humains ainsi qu’une race humanoïde tantôt asservie (les parshes), tantôt combattue (les parshendis). La magie y existe, et, pour qui sait s’en servir, est une ressource que rechargent les régulières tempêtes. Par le passé, des Dévastations successives ont mis à bas la civilisation humaine. Les Chevaliers Radieux, un puissant ordre guerrier, auraient pu, auraient dû assurer la victoire humaine face aux mystérieux Néantifères… mais ils ont déserté, ont trahi ceux qu’ils devaient protéger.
Des millénaires de tranquillité plus tard, le roi Gavilar, souverain d’Alekhtar – l’un des nombreux royaumes du continent unique de Roshar —, devait signer un traité de paix assurant la paix entre sa contrée et les Parshendis ; hélas, le monarque est assassiné sur ordre desdits Parshendis. La guerre est déclarée. Au bout de cinq ans, le conflit s’est enlisé sur cet immense champ de bataille que sont les Plaines brisées. Là, plusieurs protagonistes vont s’y croiser. Il y a Kaladin, jeune homme engagé de force dans les troupes de Dalinar Kholin, frère du roi assassiné ; Dalinar, justement, individu brutal mais droit, œuvrant pour l’unité du royaume et assailli par des visions du passé ; Shallan, jeune héritière d’une maison noble chargée de sauver celle-ci de la ruine. Le Livre des radieux voit les protagonistes se rassembler et prendre conscience que l’ancien péril des Néantifères est de retour, avec pour conséquence immédiate le déclenchement d’une Tempête. Ayant prouvé sa valeur, et même davantage, Kaladin monte en grade ; Dalinar poursuit sa quête d’unification de son pays, mais se met en retrait au profit de son fils aîné Adolin ; Shallan voit sa formation interrompue de bien tragique manière et tâche de rejoindre les Plaines brisées.
Que dire sur Justicière sans gâcher le plaisir du lecteur souhaitant se lancer dans cette saga au long cours ? Ce troisième tome reprend là où le précédent s’achevait : la Tempête éternelle est là, et il s’agit désormais de sauver les humains de Roshar. Mais comment secourir une race n’ayant jamais pu s’unir sous une même bannière ? Tandis que les protagonistes s’organisent, parlementent et agissent, ils en apprennent également davantage sur la nature de leur propre monde et sur les êtres de rang quasi-divins dont l’écho des luttes se répercutent sur Roshar.
Les lecteurs ayant apprécié les deux premiers volets trouveront ici leur compte : dans Justicière, Sanderson, en bon écrivain démiurge, continue de déployer cet univers et sa cosmologie. Avec brio, l’auteur y mêle à un rythme accru action et révélations (tonitruantes pour certaines), sans ménager la tension. En somme, vivement la suite.
Quant aux lecteurs n’en pouvant plus d’attendre la prochaine incursion de George R.R. Martin dans Westeros, invitons-les à explorer Roshar, une destination des plus recommandables.