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Les critiques de Bifrost

Katharsis

Katharsis

OKSANA, Gil PROU
INTERKELTIA
384pp - 16,50 €

Bifrost n° 59

Critique parue en juillet 2010 dans Bifrost n° 59

Il est des associations que l’on devine d’emblée gagnantes. Celle réunissant le duo coupable l’an dernier du navrantissime Cathédrales de brume d’une part, et l’éditeur lauréat aux Razzies 2010 du Grand Master Award d’autre part, avait de quoi faire ricaner le plus débonnaire des observateurs de la science-fiction française. Et devinez quoi…

Pour leur deuxième roman, en citoyens responsables, Oksana et Gil Prou ont choisi d’écrire un thriller écologique. Une décision somme toute respectable. Sauf que, étant donné la nullité de leur prose, un spectacle de mime ou l’organisation d’un tournoi de pétanque au profit d’une quelconque association de défense de l’environnement eussent sans doute été préférables à ces presque quatre cent pages de prêchi-prêcha illisible.

L’action débute le 4 juillet 2033, lorsqu’une organisation terroriste, baptisée Katharsis, annonce en grande pompe que, si d’ici dix-huit jours, les principaux gouvernements de la planète n’ont pas pris des mesures drastiques pour mettre un terme à la dégradation de l’écosystème, elle déclenchera l’Apocalypse. Reconnaissons à Oksana et Prou d’avoir su poser les enjeux de leur récit clairement et sans traîner. Le problème est que, jusqu’à expiration de cet ultimatum, soit durant plus de trois cent pages, il ne va à peu près plus rien se passer. Comme il faut bien meubler entre deux communiqués des éco-terroristes, on papote beaucoup, on ne fait même que ça, d’abord sur le sérieux de la menace, puis sur les chances de voir les différents pouvoirs en place céder au chantage, et évidemment sur la dégradation de l’état de la planète depuis ces dernières décennies. Histoire de donner une impression de variété, les auteurs multiplient les intervenants : hommes de la rue, journalistes, gouvernants, blogueurs, sans oublier deux coureurs du Tour de France se lançant dans un débat enflammé en pleine ascension d’un col alpin. Les soupçons de dopage sont permis.

Comme les propos échangés restent grosso modo toujours les mêmes, on tourne très vite en rond, et lorsque pour la cinquième fois l’un des protagonistes ressasse les mêmes arguments sur les émissions de gaz à effet de serre ou l’extinction de l’espèce humaine, on se met à espérer très fort que les éco-terroristes n’attendront pas la fin du compte à rebours pour mettre leurs menaces à exécution. Peine perdue.

Tout cela est d’autant plus pénible qu’il s’agit pour l’essentiel de dialogues, technique littéraire que Prou et Oksana maîtrisent encore plus mal que le reste. Leurs personnages s’expriment avec l’aisance et le naturel d’un gamin de cours primaire ânonnant un poème approximatif à la fête de fin d’année de son école. On a donc droit à longueur de pages à d’interminables échanges où l’on se lance à la figure statistiques précises et citations pédantes. Car s’il est bien une chose qu’aime notre duo, c’est de citer à tout va. Pas n’importe qui, évidemment : Erasme ou Pascal, Claudel ou René Char, Heidegger ou Rainer Maria Rilke, ils se gargarisent de sentences définitives avec une affectation qu’on ne rencontre d’ordinaire que chez les plus séniles des Académiciens. On retrouve le même pédantisme à l’œuvre lorsqu’il s’agit de donner un prénom à leurs personnages, lesquels seront baptisés Lysimaque, Mélusine, Euphrosyne ou Istana plutôt que Huguette ou Jeanjean.

Et à la fin : Boum ! Enfin ! On serait presque tenté de trouver meilleures les trente dernières pages du roman, décrivant la lente agonie de l’humanité. Sauf que c’est toujours écrit à la spatule, et que dans le genre post-apocalyptique on ne prendra même pas la peine de citer les textes des années 60-70 qui ont traité ce sujet de manière bien plus intéressante.

D’un point de vue écologique, Katharsis part certainement d’un bon sentiment, même si au bout du compte on n’y trouvera rien qui n’ait été traité de manière plus complète et pertinente dans quantité de reportages, documentaires, films ou livres. D’un point de vue littéraire, c’est absolument à chier. Retenez-moi ou j’achète un 4x4.

Philippe BOULIER

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