À l’occasion de la sortie de L’Affaire Jésus, le nouveau roman d’Andreas Eschbach, l’Atalante a eu la bonne idée de ressortir Jésus Vidéo, sous une couverture plus parlante que la précédente. Avec son troisième roman, notre auteur allemand réinventait le thriller historico-ésotérique en le mâtinant d’une bonne louchée de SF. Rappel des événements : sur un chantier de fouille en Israël, Stephen Foxx, jeune archéologue amateur et petit génie de l’informatique, met au jour un artefact hautement improbable, à savoir le manuel d’une caméra… qui ne serait mise sur le marché que d’ici quelques années. Un manuel que les analyses affirment pourtant dater de deux mille ans. Et qui dit manuel de caméra dit caméra… et cassette vidéo. Un voyageur temporel aurait-il filmé le Christ ? Une course-poursuite s’engage entre Foxx, l’impitoyable magnat de la télé John Kaun, qui finance les fouilles et voit là une opportunité unique, et le Vatican pour s’emparer de cette fameuse cassette – si tant est qu’elle existe.
Thriller d’une solidité sans faille, Jésus Vidéo se suffisait pourtant à lui-même. À moins que ?… Plus de quinze ans après, l’auteur des Milliards de tapis de cheveux a décidé d’y donner une suite. Si vous n’avez pas lu Jésus Vidéo, lâchez dès à présent ce numéro de Bifrost et filez dans la librairie la plus proche.
L’Affaire Jésus commence presque là où Jésus Vidéo se terminait : Stephen Foxx vient de regarder la fameuse vidéo lorsque des individus masqués surgissent et s’emparent de la cassette. Les services secrets du Vatican ? C’est ce que soupçonne le jeune homme. Il n’en est rien : ces troupes d’élites sont au service du milliardaire Samuel Barron, chrétien farouchement intégriste. Cet homme a de bonnes raisons de savoir que le voyage dans le temps est possible, et il va tout faire pour le concrétiser… quitte à hâter une Apocalypse qu’il appelle de tous ses vœux – d’après la Bible, le Christ n’est-il pas censé revenir ? Le meilleur atout de Barron n’est autre que son fils cadet (l’aîné ayant viré homo, c’est comme s’il était mort), qu’il va former à sa mission : effectuer ce fameux voyage temporel à l’époque où Jésus de Nazareth arpentait la Galilée. Ailleurs, John Kaun, qui s’est retiré du big business, apprend que sa fille chérie est atteinte d’une leucémie. Ailleurs encore, Stephen Foxx pense couler des jours pépères… mais le passé va brutalement se rappeler à lui.
Rebattant les cartes du premier volet et s’insérant dans ses quelques zones d’ombre, L’Affaire Jésus s’avère tout aussi prenant, voire davantage. Le roman débute calmement pourtant, choisissant de se concentrer sur la formation du jeune Michael Barron, puis sur le calvaire de Kaun. Puis les enjeux grimpent, et le dernier tiers s’avère explosif : dur de reposer le bouquin. Eschbach y fait montre d’un art consommé du cliffhanger, les éléments du roman s’emboîtent impeccablement (le temps est une chose si malléable), le tout porté par des personnages ayant gagné en substance et la peinture effrayante d’un monde gangréné par les fondamentalistes chrétiens prêts à tout. Une lecture que l’on recommande chaudement.