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Les critiques de Bifrost

L'Ange Blond

Laurent POUJOIS
MNÉMOS
312pp - 20,20 €

Critique parue en juillet 2010 dans Bifrost n° 59

Mine de rien, cela fait quelques temps maintenant que les éditions Mnémos ont sérieusement repris du poil de la bête, notamment en ajoutant à leur catalogue une jolie collection de jeunes écrivains français, débutants pour la plupart mais fort prometteurs : Maïa Mazaurette, Laurent Gidon, Eric Holstein, Justine Niogret, Frédéric Delmeulle et j’en oublie sans doute. Dernière révélation en date : Laurent Poujois, auteur précédemment de deux romans pour la jeunesse, mais que beaucoup découvriront avec cet Ange blond.

L’action se situe en 2008, mais dans un univers fort différent du nôtre, né de la victoire de Napoléon contre l’Angleterre. Deux siècles plus tard, l’Empire existe toujours et a permis l’éclosion d’une société stable et par bien des points très avancée. Les biopuces informatiques sont omniprésentes dans la vie quotidienne, les moyens de transport fonctionnent grâce à des sources d’énergie non polluantes, la conquête spatiale ne se limite pas à la proche banlieue terrestre. Tout n’est pas rose pour autant, les tensions internationales sont parfois vives, et divers groupuscules extrémistes, politiques ou religieux, s’avèrent capables à l’occasion de meurtriers coups d’éclat. Dans ce contexte, les cérémonies du bicentenaire de l’invasion de la Grande-Bretagne par la flotte française, auxquelles l’Impératrice Caroline Bonaparte doit participer, s’annoncent comme le rendez-vous de tous les dangers. Aurore Lefèvre, ancienne de la Légion Impériale devenue maître-orchestreur (une sorte de Jean-Michel Jarre mâtiné de David Guetta, en schématisant énormément), est contactée par les services secrets de l’Empire pour infiltrer la conjuration qui menace la première dame de France.

Laurent Poujois a imaginé une uchronie assez étonnante, mélange de décorum archaïque et de gadgets hi-tech. Dans l’ensemble la cohabitation se passe plutôt bien, même si l’on reste le plus souvent à la surface des choses et que l’on a davantage l’impression de traverser un décor de cinéma plutôt que de s’immerger dans un univers tangible. On ne sait rien par exemple de la nature de ce régime dont son héroïne va prendre la défense sans se poser la moindre question. Le romancier préfère éluder le sujet en désignant d’emblée et de manière catégorique les méchants de son histoire. Le premier d’entre eux se nommera donc Otto Hitler, petit-fils de qui vous savez, et au cas où ses antécédents familiaux ne suffiraient pas à le cataloguer parmi les personnages peu fréquentables, l’auteur en rajoute encore en faisant de lui un pervers sexuel adepte des pratiques S-M les moins ragoûtantes.

On le voit, Laurent Poujois ne s’embarrasse pas vraiment de finesse. Que ce soit dans la caractérisation de ses personnages ou dans la progression de son intrigue principale, le plus souvent mécanique et trop prévisible, L’Ange blond souffre de défauts indéniables. Pourtant, on ne peut que passer outre ces quelques points noirs tant l’auteur fait par ailleurs la démonstration d’une ardeur incroyable en multipliant les morceaux de bravoure : plongeon de 10 000 mètres sous la menace des canons de la DCA londonienne, courses-poursuites dans les rues de Paris, affrontements sanglants entre supporters de football, combat spatial dans la ceinture d’astéroïdes, fusillades à répétition, Poujois enchaîne les séquences spectaculaires et fait montre en la matière d’un remarquable talent de mise en scène grâce à une écriture d’une précision irréprochable. C’est avant tout cette incroyable énergie irriguant une bonne partie du récit qui incite à passer outre les quelques faiblesses évoquées précédemment. Et comme le romancier n’en a visiblement pas terminé avec son héroïne, il aura l’occasion de resserrer ultérieurement les quelques boulons qui pourraient en avoir besoin. Pour un coup d’essai, le résultat est plutôt enthousiasmant.

Philippe BOULIER

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