De Deon Meyer, on connaît ses polars noirs, âpres, qui épluchent au scalpel le millefeuille social d’une Afrique du Sud (il écrit en afrikaans) contemporaine pétrie de contradiction et grevée par le passé d’apartheid qu’on lui connaît — une société fracturée, violente, en un mot fascinante. Un auteur de stature internationale, gros vendeur, y compris en France où son roman Les Soldats de l’aube (Le Seuil, comme le reste de son œuvre) rafla le Grand Prix de la Littérature Policière en 2003 puis le Prix Mystère de la Critique en 2004. Or voici que son dernier livre, monstre de plus de six cents pages que Meyer avoue avoir mis quatre ans à écrire, nous arrive. Et, surprise : en guise de polar, le père de l’inspecteur Mat Joubert nous propose un pur récit post-apocalyptique…
En quelques mois, la Fièvre a balayé les neuf dixièmes de la population mondiale… Pour Willem Storm et son fils Nico, il va désormais falloir survivre dans ce qu’il reste du monde, avec ce qu’il reste d’humanité. D’abord survivre, oui, puis bientôt rebâtir. Car Willem est habité par une vision. Celle d’un havre, d’un phare. Le début d’une nouvelle humanité. La renaissance humaine au sein d’une nature (la vraie, celle de la faune, de la flore, et aussi celle qui sommeille en chacun de nous) qui reprend ses droits.
L’Année du lion n’est pas un livre sur la destruction. C’est bien au contraire un récit post-apocalyptique au sens littéral du terme, c’est-à-dire d’après l’apocalypse ; l’aventure de la refonte de la société humaine. La page est blanche. Il y a tout a (re)faire, en tâchant d’éviter les erreurs du passé. Rêve pour les uns. Cauchemar pour les autres. Et les deux pour Willem, qui compte bien partir du second pour arriver au premier. Un livre construit sur l’antagonisme de deux visions (et on s’arrêtera là, au risque de trop en dire).
L’Année du lion brasse large. C’est un fleuve narratif puissant traversé de nombreux courant. Celui de l’aventure en premier lieu, mais aussi celui du questionnement social, des philosophies des jours actuels, des rapports filiaux, de la nature humaine et de la nature tout court, on l’a dit. Une manière de post-apo’ total et étonnamment optimiste. Conclue par une espèce de mindfuck assez éventé (c’est là son principal défaut — outre une VF un poil suspecte et quelques coquilles dérangeantes). Dont on avale les six cents pages comme en plongée profonde (c’est là sa grande qualité — malgré quelques longueurs). Un livre important du domaine, sans doute. Assez impressionnant de savoir et d’ambition dans ce qu’il sous-tend. Quant à en faire un absolu du champ (The Times le place plus haute que La Route — sérieusement ?), c’est bien possible. Mais on laissera un peu de temps au temps. Avant la fin du monde.