Ils sont huit gamins, et ils devraient être neuf pour effectuer la traditionnelle tournée d’Halloween, le porte-à-porte afin d’obtenir des bonbons… mais leur copain Pipkin, plutôt mal fichu, se fait désirer et leur annonce qu’il les rejoindra plus tard. Le groupe gagne la maison hantée près du ravin, où un drôle de personnage les accueille et se présente sous le nom de Montsuaire. Il leur propose un voyage dans l’espace et le temps pour observer les diverses coutumes qui, d’après lui, se sont conjuguées jusqu’à former la tradition — très américaine — d’Halloween. De l’Egypte des pharaons au Mexique d’aujourd’hui, de l’Angleterre druidique à la France médiévale, la troupe croise sans cesse Pipkin qui, tantôt momifié, tantôt métamorphosé en animal, tantôt changé en gargouille de cathédrale, semble en butte à un problème plus sérieux qu’un peu de méforme. Et si la Mort, qui rôde partout, en tout temps, par cette journée emblématique, avait jeté son dévolu sur leur ami ?
Avec ce court roman de 1972, l’auteur propose une sorte d’apothéose de ses motifs et son écriture. L’automne, la mort, l’enfance, les momies, les sorcières, le cirque et même les dinosaures (un cerf-volant magiquement assemblé à partir d’affiches de fête foraine affecte l’apparence d’un ptérodactyle) sont autant de jalons d’une œuvre à nulle autre pareille. Le style, qui abonde en assonances et en rimes internes, est rendu à merveille par un Alain Dorémieux plus qu’inspiré (sans oublier Jacques Chambon en ce qui concerne les poèmes inclus dans le texte), si bien que l’on ressort ébaubi par la richesse du vocabulaire et la tension du rythme.
Bref, on tient là une manière de quintessence, de distillat du matériau de Ray Bradbury Autant dire qu’un lecteur jugeant un tel style maniéré n’en retirera aucun plaisir. En revanche, qui apprécie cet univers s’y trouvera aussi à l’aise que dans un fauteuil confortable au coin du feu.