Gareth L. POWELL
DENOËL
368pp - 23,00 €
Critique parue en janvier 2023 dans Bifrost n° 109
Des « dragons » redoutables rodent dans l’hyperespace : pour éviter d’attirer leur attention, la toute-puissante armada de Marbre veut empêcher l’Humanité de faire la guerre en détruisant toutes ses installations et appareils militaires. Donc, en lui faisant la guerre. Oui, c’est d’une folle logique. Et évidemment, l’ampleur des destructions provoquées provoque ce que l’on voulait précisément éviter. Pris entre le marteau et l’enclume, l’équipage hétéroclite du Chien à problèmes n’entrevoit qu’un mince espoir : les deux belligérants semblent redouter au plus haut point l’Intrusion, sorte de portail entre notre univers et un autre. Peut-être la solution s’y trouve-t-elle. Mais pour cela, l’aide d’un autre équipage, celui du capitaine Cordelia Pa, sera nécessaire. La jeune femme, qui a grandi sur les Plaques, escadrille de mégastructures stationnant à proximité immédiate de l’Intrusion, semble avoir un curieux lien avec cette anomalie spatiale, où les lois de la physique sont altérées.
Il est inhabituel, pour ne pas dire bizarre, voire littérairement suicidaire, d’introduire tout un nouveau pan de l’univers, ainsi qu’un groupe de personnages inédit, dans l’ultime tome d’une trilogie. Classiquement, ce dernier est celui de la chute des dominos, pas celui où on continue à les mettre en place. Le roman aurait donc pu imploser, tel un trou noir, sous le poids de sa propre balourdise. Or, pourtant, de façon étonnante, il n’en est rien, et l’auteur s’en tire même plutôt bien. De là à considérer L’Éclat d’étoiles impossibles comme digne d’éloges, il y a un pas : toujours aussi inspiré par les Grands Maîtres récents du (New) Space Opera, il emprunte la solution « coup de baguette magique, pouf y’a plus d’ennemis » de Le Dieu nu : Révélation, de Peter Hamilton, et parvient à faire encore plus cryptique / frustrant, à propos de l’Intrusion, que Iain M. Banks dans Excession. La page 339 a aussi un fort parfum de Babylon 5, dans la façon de ne pas choisir entre Ordre et Chaos lorsqu’ils dévastent la Voie Lactée. Et que dire du recyclage du trope fantasy de l’élu dans un contexte de space opera, en la personne de Cordelia ?
Reste un cycle, « Braises de guerre », qui, malgré ses maladresses, s’en tire non sans honneur, surtout si l’on considère l’énorme masse de space op’ produite par le monde anglo-saxon, une noria globalement des plus médiocres : le propos demeure lisible, fluide, agréable, voire même traversé par quelques fulgurances stylistiques ou conceptuelles tout à fait impressionnantes. Sans doute ne laissera-il pas un souvenir impérissable (à moins de n’avoir jamais lu Banks), mais sa lecture globale n’a rien d’un calvaire.