Nicolas BOUCHARD
MNÉMOS
308pp - 21,50 €
Critique parue en janvier 2003 dans Bifrost n° 29
Un univers en forme de gouffre. Immense et en perpétuel affaissement. Empli de cités « volantes », reliées entre elles par des voies commerciales empruntées par des dirigeables dont les ballons sont en fait d'énormes créatures. Celles-ci sont du reste à l'origine de la plupart des industries de l'Empire de poussière : leur chitine est utilisée pour la construction de nombre de produits manufacturés. C'est dans ce décor particulier qu'évoluent les protagonistes, essentiellement répartis entre deux peuplades elfiques antagonistes, les Dökkalfars, plutôt belliqueux, et les Ljosalfars, qui vivent davantage en harmonie avec leur environnement. Au centre de l'intrigue, la naissance d'un être parfait, censé rétablir l'équilibre entre Dökkalfars et Ljosalfars et résorber l'affaissement général des cités jusqu'au Niflheimr, le fond du gouffre. Un double être parfait, car il s'agit en définitive de jumeaux. Eïla et Falko sont d'abord recueillis par deux volväs, prêtres ljosalfars, qui les séparent pour les cacher et, ce faisant, éviter que l'Heptarchie, le gouvernement qui régit ce monde emmené par le vil Odmar, ne les supprime avant qu'ils n'accomplissent leur destin suprême. Pourtant, il faudra bien qu'un jour les jumeaux sortent de leur cachette pour révéler leur existence à tout l'Empire de Poussière…
La première réaction, à la vue de ce livre, c'est malheureusement un constat trop souvent fait ces dernières années : il s'agit, encore et toujours, du premier tome d'un cycle. Nicolas Bouchard, en bon « faiseur », avait jusque-là écrit un certain nombre de romans (qu'on échelonnera du bon au très moyen) qui se lisaient indépendamment. Et on l'appréciait aussi pour cela. Sans doute a-t-il jugé que son histoire nécessitait davantage d'espace. On se retrouve ainsi avec un livre inachevé une fois la dernière page tournée, chose hautement énervante. Néanmoins, une fois cette première réaction passée, on peut se plonger dans le roman, et trouver que Bouchard réussit à nous livrer un roman d'aventures/apprentissage réussi, car haut en couleurs et peuplé de personnages attachants. Une imagination débordante, qui débouche sur la création d'un univers étrange que l'on découvre peu à peu : rarement livre aura été autant basé sur les mythologies scandinaves que celui-ci. Peut-être trop, car le prix à payer est une surcharge de noms nordiques, parfois difficiles à assimiler pour qui n'a pas envie de prendre des notes, sans que, toutefois, cela ne nuise véritablement à la lecture. Bref, un livre sympathique et rythmé, qui souffre toutefois de quelques longueurs, et dont on aurait aimé qu'il fût davantage un roman autonome que le premier tome (de cinq cent pages) d'un énième cycle de fantasy. Parce que ça, vraiment, ça commence à bien faire…